BOULE DE CRISTAL – La violiste Salomé Gasselin est une invitée régulière des ensembles baroques qui sillonnent le pays. Son talent incontestable lui a valu d’enregistrer un disque paru le 13 janvier chez Mirare. Nous parions que ce n’est pas la dernière fois que vous entendez parler d’elle…
Du concert au consort
Vous êtes amateurs de baroque ? Vous ne manquez pas un concert des jeunes surdoués de l’ensemble Jupiter ? Vous êtes fidèles à l’excellent Pygmalion ? Alors, sans le savoir, vous avez déjà applaudi la joueuse de viole de gambe Salomé Gasselin ! Confortablement installée dans l’anonymat de l’orchestre, son talent mis au service du collectif, la jeune femme a, petit à petit, trouvé sa place dans le grand concert du milieu baroque français.
Aujourd’hui, elle sort du peloton pour affirmer son style, défendre son répertoire et révéler sa personnalité rayonnante au grand public. Dans Récit, elle raconte son instrument, son répertoire et son amour de la musique de chambre. Pour Classykêo, elle raconte tout le reste…
Le public fan de baroque vous voit depuis longtemps, mais sans forcément le savoir. Aujourd’hui vous vous lancez dans un disque solo. Est-ce que vous aviez envie qu’on vous reconnaisse dans la rue ?
Salomé Gasselin – Non je ne crois pas, mais j’avais envie que, peut-être, les maisons de concerts m’appellent moi, aussi. J’essaie de garder les pieds sur terre, de ne pas oublier que mon instrument n’est pas très démocratisé, pas très « instagramable ». Pourtant, j’ai cette envie de le mettre en avant. La musique de viole est une musique de niche a priori, mais elle renferme un répertoire absolument immense ! En fait, le consort de violes de gambe pourrait avoir le même déploiement que le quatuor à cordes.
Je ne sais pas si j’avais envie, moi d’être connue, mais ce qui est sûr, c’est que je suis parfaitement moi-même quand je suis seule à jouer. En tout cas, j’ai le sentiment d’avoir plus à raconter quand on me laisse les rênes. Quand je touche à ma viole, j’ai l’impression de retrouver ma voix à moi, mon repère, mon guide. Encore plus depuis que j’ai choisi de faire mes projets.
Et puis, en fait, je ne suis jamais vraiment seule quand je joue : j’ai mon instrument, avec qui j’entretiens une vraie relation. Vous allez penser que je suis folle, mais j’en parle comme d’une personne !
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Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec la viole de gambe ?
À chaque fois que je parle de ma rencontre avec la viole, j’ai un peu les larmes aux yeux… C’était comme un amour, j’étais subjuguée par le son, c’était viscéral, absolument puissant. C’est le jour où j’ai dit « au revoir »* à ma prof de violon. Je n’aimais pas le violon, et j’étais contente d’avoir enfin pu le dire. Je me baladais dans les couloirs du conservatoire, je suis tombée sur le prof de viole qui s’accordait, et ce fut un choc. Je voulais arrêter la musique, ce qui n’est pas rien quand on vient d’une famille de musicien, et j’ai été rattrapée par cet heureux hasard.
Ensuite, dans mon petit conservatoire d’Angers, les élèves du CNSM de Paris venaient enseigner depuis Paris, et leur rencontre m’a donné envie de faire comme eux. Ils étaient les modèles d’une vie exaltante, d’un ailleurs possible.
En enseignant à Marseille, je veux maintenant faire la même chose avec des jeunes. Si je peux être un modèle à mon tour, ne serait-ce que pour l’un ou l’une d’entre eux, je serai très heureuse. Faire ça avec les contraintes de la vie de musicienne qui n’a pas la trentaine, c’est vraiment un choix. Je me lève à 5h tous les mercredi pour prendre un train gare de Lyon.
*Salomé a employé un autre terme, mais protégeons les oreilles chastes…
Votre courte bio sur le site de Mirare dit que vous êtes passionnée de sociologie du son, et de fromage. Vous nous expliquez ?
Salomé Gasselin : J’ai régulièrement des passions qui apparaissent, un peu fulgurantes comme ça ! J’ai une curiosité naturelle, je m’émerveille vite de plein de choses, et je dois avouer une petite boulimie… En fait, plus je fais, plus j’aime faire : il y a quelque chose de moteur dans le trop-plein, et à la fois un peu destructeur. En même temps, pour vivre de mon instrument, il faut multiplier les expériences. Celles que j’ai avec Raphaël (Pichon), Thomas (Dunford) et Léa (Désandre) sont tellement enrichissantes…
Quant au fromage, il faut que je dise : j’ai récemment failli tout plaquer pour devenir le première femme maître affineuse !
Votre instrument jouit d’une petite popularité en France, grâce à Tous les matins du monde, mais il est rarement mis en avant comme instrument soliste. Comment expliquez-vous cela ?
Avec moi, ça va changer !
Je vous donne une boule de cristal pour regarder dans votre avenir. Qu’y voyez-vous ? La direction d’un ensemble, soyons fous ?
Je vois beaucoup de choses, une fromagerie déjà (rires) ! Je crois que j’aimerais faire de la musique plus tardive, ce qui est compliqué avec une viole. Donc j’aimerais bien prendre des cours de direction d’orchestre.
Et puis j’aimerais bien monter un consort, comme on monte un quatuor à cordes par exemple, pour tourner et faire connaître ce répertoire génial.