OPERA – Dans une mise en scène classique de Michel Fau, faisant la part belle au rythme, au texte, à la musique et à toute la palette d’émotions qu’elles invoquent, on redécouvrait ce samedi 1 juillet l’oeuvre de Grétry sous la baguette du chef assistant de Louis Langrée : Théotime Langlois de Swarte.
André-Ernest-Modeste Grétry : késako ?
Illustre compositeur français contemporain de la Révolution, André-Ernest-Modeste Grétry possède au 21ème siècle davantage de prénoms que d’airs connus du grand public. Ironie du sort, bien qu’à son apogée sous l’ancien Régime – il fut le compositeur préféré de Marie-Antoinette-, c’est par le Premier Empire que sa mélodie la plus célèbre nous est parvenu, puisque « La Victoire est à nous », must de la Grande Armée, provient en réalité de la Caravane du Caire.
La musique de Grétry à l’avantage d’oser être simple et dénote d’une époque ou, ainsi que le souligne Louis Langrée, il fallait « prouver sa science et éblouir par sa virtuosité ». D’un point de vue dramatique, cela à un avantage conséquent : permettre, suivre et souligner effacement l’intrigue ainsi que ses évolutions.
XVIIIème fantasmé
L’histoire de Zémire et Azor est à peu de choses près celle de la Belle et la Bête, transféré dans l’univers des mille et une nuits. Pour l’illustrer, la mise en scène de Michel Fau – jouant le rôle de la fée maléfique pour l’occasion- prend le parti d’un décor unique où seuls quelques éléments centraux viendront s’égrainer ; les changements d’ambiance étant assurés par l’éclairage, le texte et la musique. Derrière les formes géométriques du décors rappelant un jardin à la française, les costume eux mêmes, signés Hubert Barrère, font appel à un XVIIIème siècle fantasmé ; tant dans leurs aspects orientalistes que français.
Au delà des visuels, le parti pris de Michel Fau est toutefois assurément celui du rythme. L’oeuvre alternant entre des passages déclamés en vers et des passages chantés, quelques légères coupures sont effectuées pour éviter la reprise musicale de passages déclamés #vivredansundonjon.
A noter, les dialogues -signés Marmontel- sont d’une efficacité redoutable lorsqu’il s’agit d’effectuer une rupture de ton. Tantôt hilarants, tantôt tragiques, ils permettent tout au long de l’oeuvre d’opérer une transition efficace entre les passages chantés, sans battement ni brusquerie.
Classique baroquisant
En Zémire, Julie Roset impressionne par sa musicalité et son agilité technique, ainsi que par ses aigus veloutés et cristallins. Jusqu’ici essentiellement connue pour ses rôles baroques, certaines de ses attaques possèdent toujours cette sonorité si reconnaissable même si l’oeuvre n’est pas baroque en elle même. Pour lui répondre, l’Azor de Philippe Talbot amène un timbre intense dans les aigus et une bonne projection ainsi qu’une mise en place et une clarté de voyelles dans chacune des positions dans lesquelles il chante (certaines paraissent pourtant bien improbables).


Pour les accompagner, le Sander de Marc Mauillon -récemment remarquable in logo dans la Petite boutique des Horreurs-, fait état d’une excellente projection et d’une articulation impressionnante, auxquels viennent s’ajouter de très bons harmoniques aigus ainsi qu’une grande clarté des voyelles. Ressort comique de l’intrigue, l’Ali de Sahy Ratia fait état d’un travail scénique et dramatique remarqué. La projection est très bonne à l’exception de l’extrême grave de sa tessiture, mais la rythmique systématiquement en place. De même, le travail théâtral ressort particulièrement ainsi que ses entrées : une sorte de roulade suivi d’un dérapage contrôlé, qu’il effectue à moult reprises, parfois juste avant de chanter, avec un plaisir manifeste. Dans le rôles des deux soeurs coquettes, Lisbé et Fatmé, Margot Genet et Séraphine Cotrez livrent également une bonne prestation, chacun de leurs duo étant équilibré et sans défaut notable.
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De l’archet à la baguette
On avait découvert Théotime Langlois de Swarte dans l’escarcelle de William Christie ; déjà alors, ses qualités musicales ne faisaient pas débat. On l’a retrouvé ensuite cette année à l’Opéra Comique dans le Bourgeois Gentilhomme où il avait assuré la direction musicale tout en demeurant violon solo. Assistant de Louis Langrée sur cette production, c’est à lui que revient la direction de la dernière représentation de la série.
Dès le début, la patte « Arts Florissants » se fait sentir. Gestuelle sans extravagance, mais précise en diable et expressive, les Ambassadeurs et la Grande Ecurie lui répondent avec un rendu net, tout en relief et sans accro. Son passé d’instrumentiste ressort aussi dans son attachement à adapter, tout au long de l’oeuvre, l’orchestre aux chanteurs ; ces derniers n’étant explicitement dirigés que durant le sextuor final. On continuera donc de suivre avec attention la montée en puissance à la direction de ce jeune musicien là (28 ans seulement). Espérons qu’elle ne sera tout de même pas trop rapide : cela nous priverait d’un exquis violoniste baroque.