CONCERT – Le cycle Rachmaninov se poursuit au Studio Flagey à Bruxelles, pour célébrer les 150 ans de la naissance d’un des géants du XXème siècle.
Il était une fois, dans un pays pas si lointain, un pianiste aux mains démesurées, du nom de Sergueï Vassilievitch Rachmaninov. 150 ans après sa naissance, une suite de chefs-d’œuvres, de dépressions, de nouveaux chefs-d’œuvres, et une vie d’artiste tourmenté qui s’est écrite entre les lignes d’une musique au romantisme exacerbé, un festival lui est consacré au centre culturel de Flagey (Bruxelles). Si un premier concert était consacré à ses “années américaines”, cdlui de ce soir s’axe sur ses pièces de jeunesse.
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L’orchestre raconte
Les musiciens et musiciennes proposent en première partie une pièce de Nikolaï Rimsky-Korsakov (avec qui Rachmaninov entretenait une relation ambivalente, entre amitié forte et hostilité) : Sheherazade, une écriture musicale du conte des Mille et Une Nuits.
D’un instrument à un autre, ou de l’orchestre (Brussels Philharmonic) à son chef (Giancarlo Guerrero), le dialogue dramatique est ici omniprésent. Le directeur musical, grave et emporté, conduit les artistes avec passion expansive et gestes amples.
Presque toutes les couleurs de l’orchestre sont représentées, et chaque instrument a son mot à dire. Le violon et la harpe (qui incarnent la voix de Shéhérazade) répondent avec une force persuasive aux cuivres tonitruants (sultan Schahriar). Particulièrement éloquent lors de ses solos, le premier violon reçoit un triomphe en fin de cette première partie intense et quasi cinématographique.
Il vécut malheureux, mais eut beaucoup de talent…
Bien que Rachmaninov endosse la réputation de personnage austère et taciturne, sa partition peut difficilement être plus bavarde. C’est d’ailleurs de manière très expressive que Boris Giltburg interprète le Concerto pour piano n° 1 (composé par Rachmaninov à l’âge de 18 ans!), à grands renforts de soupirs et grommellements de concentration, les yeux froncés, le corps sautillant… auxquels le Fazioli répond à une vitesse déconcertante. Et si les mains du pianiste n’égalent pas en moitié celles du géant russe, son intensité et sa rapidité rageuse n’en sont que plus impressionnantes.
Tout le romantisme et le lyrisme du compositeur mis à l’honneur ce jour crient et se complètent enfin dans une transe aussi bien intense dans l’interprétation physique que musicale. Il vécut malheureux, et eut beaucoup de talent.