DISPARITION – Il était, des mots de nos confrères qui ont plus de bouteille que nous, « un des chefs d’orchestre les plus charismatiques du XXème siècle ». À 88 ans, le japonais Seiji Ozawa a salué pour la dernière fois ce mardi 6 février 2024. Sa disparition laisse un grand vide dans le monde de la musique, en même temps qu’une trace indélébile.
C’est un dimanche soir, à la table de la cuisine, dans les années 2000. La douce habitude d’écouter les Grands Concerts de Radio France en famille se répète, une fois de plus. La voix familière de Frédéric Lodéon annonce la diffusion d’un enregistrement, dirigé par Seiji Ozawa. Le gamin émerveillé par la musique qu’il entend ne sait pas qu’il est en train d’assister à la prestation d’une des légendes de la musique. Mais il comprend assez vite qu’il y a quelque chose de différent ce soir-là dans le jeu de l’orchestre.
Chef pour l’Histoire
Avec Seiji Ozawa, c’est un lien avec des montres sacrés qui disparaît. Brièvement contemporain de Ravel et Rachmaninoff, élève de Karajan, assistant de Bernstein, il fut l’un des premiers chefs japonais à émerger sur la grande scène mondiale. Si on voit aujourd’hui tant de talent déferler des pentes du Mont Fuji sur nos scène européennes, c’est en partie grâce à son énergie. Si des salles de concert ultra-modernes sont construites en Chine, c’est parce qu’il fut l’un des premiers à y ré-introduire le classique après les années hermétiques du Maoïsme et de la « révolution culturelle ».
Chef de cœur
Avec Seiji Ozawa, c’est aussi une vision douce de la direction qui disparaît. Son travail avec les orchestres était toujours bienveillant, savante alchimie de rigueur nécessaire et d’impératif humain. Loin du cliché du chef autoritaire, l’impression qu’il aura laissé à chaque pupitre (Vienne, Boston, Paris, Toronto et tant d’autres) aura toujours été celle d’un partenaire de musique plus que d’un guide suprême. Une qualité qu’on retrouve chez les jeunes talents d’aujourd’hui. Le savoir-être en face du savoir-faire : voilà l’héritage que Seiji Ozawa nous laisse, alors que son si grand cœur a rendu son dernier battement. À la jeune génération de ramasser cette flamme, pour l’entretenir.
Sayonara, Seiji Ozawa san