DISQUE – Pour le label Mirare, Guillaume Bellom grave l’ensemble des œuvres de Richard Strauss pour piano seul.
Une écriture panoramique
À peine 1h10 de musique… Et pourtant tout y est : l’intégrale de la musique que Strauss a composée pour piano seul, entre 1881 et 1882, de ses 17 à ses 18 ans… Bien évidemment, toute la musique de Strauss n’y est pas, il s’en faut ! À ce moment, il n’est pas encore l’immense compositeur de musique orchestrale qu’il deviendra quelques années plus tard à l’heure de ses premiers grands poèmes symphoniques. Et pourtant, au terme de l’écoute de ces trois œuvres, les Fünf Klavierstücke (« Cinq Pièces pour piano ») op. 3, la Sonate pour piano en si mineur op. 5 et les cinq pièces qui composent les Stimmungsbilder (« Scènes d’impression ») op. 9, on a le sentiment qu’il ne manque rien dans ce qui se présente comme un panorama musical de la fin du XIXe siècle. On entend la dentelle toute bachienne du contrepoint, la fugue de l’Allegro marcatissimo des Cinq pièces op. 3 qui n’est pas sans rappeler la musique de Mendelssohn, on retrouve la liberté d’un Mozart dans le Scherzo de la sonate op. 5, le sens beethovenien du tragique dans le Largo des Cinq pièces op. 3, et, dans l’ensemble de ces œuvres, dominent tout le romantisme, l’extrême sensibilité et la plus grande expressivité dignes d’un Schumann et d’un Brahms. Avant sa conversion à la musique de Wagner, le jeune Strauss laisse donc se refléter dans ses compositions pour piano seul toute la richesse de la musique dont il est l’héritier.
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Une interprétation caméléonesque
Guillaume Bellom rend parfaitement justice à la richesse de cette écriture. Son jeu polyvalent est celui d’un pianiste caméléon capable d’épouser tous les styles en présence, sans force, mais avec finesse et élégance. Les nuances évoluent toujours horizontalement, en largeur, sans à-coup, et laissent ainsi le son naître de la résonance qui le précède. Il en ressort une certaine modération qui traduit une force toujours contenue. Ce choix de la modération se retrouve par ailleurs dans les tempi jamais trop soutenus et qui contribuent à laisser, là encore, tout l’espace nécessaire à l’expression d’une intériorité et d’une profondeur où peut se mesurer la grande maturité du jeune Richard Strauss.
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Pourquoi on aime ?
- L’intérêt historique de voir rassemblées les quelques œuvres pour piano seul que Strauss composera avant de s’engager, dans le sillage de Berlioz et de Wagner, dans l’écriture de sa grande musique symphonique
- La richesse de ces compositions de jeunesse où se laisse entendre toute la musique qui a pu compter pour le jeune Strauss, de Bach à Brahms, en passant par Mozart, Mendelssohn, Beethoven et Schumann
- La subtilité et l’intelligence de l’interprétation de Guillaume Bellom qui a su mettre toute cette richesse en relief.
C’est pour qui ?
- Pour les maniaques des œuvres complètes dont ils espèrent un jour faire le tour. Une fois n’est pas coutume, c’est tout à fait possible avec cette intégrale des œuvres pour piano seul de Richard Strauss : elle tient sur un seul disque qui dure moins longtemps qu’un film…
- Pour les amateurs du travail bien fait. De l’interprétation musicale de Guillaume Bellom à la précision du livret en passant par la qualité de l’enregistrement à l’auditorium Campra du conservatoire d’Aix-en-Provence, tout témoigne d’un véritable souci du détail.
- Pour celles et ceux qui ne savent jamais quoi répondre à la question de savoir quel est leur compositeur préféré : ce disque tout en un leur offre en effet une marqueterie de la musique austro-allemande des XVIIIe et XIXe siècles…