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Le Syndrome de Stockhausen à la Philharmonie

COMPTE-RENDU – Poursuivant leur exploration de Licht de Stockhausen, Maxime Pascal et Benjamin Lazar re-présentaient, à la Philharmonie de Paris, le troisième acte de « Donnerstag aus Licht » (Jeudi de Lumière), premier opéra de ce cycle composé sur une période de vingt-cinq ans par le compositeur allemand.

Depuis 2018, l’Ensemble Le Balcon et leur chef Maxime Pascal naviguent dans le cycle Licht de Stockhausen, en explorant ses nombreuses ramifications. Donnerstag aus Licht avait été représenté en intégralité à l’Opéra Comique pour lancer le projet puis les deux premiers Actes et l’Adieu ont été donnés à nouveau, à la Philharmonie en 2021. Trois ans après, voici derechef le dernier acte, dans la salle Pierre Boulez métamorphosée pour l’occasion.

Mi-Syndrome de Stockholm, mi-Syndrome de Münchhausen, voici que Licht invente le Syndrome de Stockhausen.

Rapt musical

Vous êtes sans doute venu de votre plein gré écouter Donnerstag aus Licht : familier peut-être de la Philharmonie, vous en avez monté les étages comme à votre habitude avant de pénétrer dans le hall. Et c’est à ce moment précis que le piège s’est refermé sur vous : car ce n’est pas dans la salle que commence le spectacle, mais dans le hall-même où les musiciens vous attendaient, pour être sûrs que vous ne feriez pas machine arrière ou, pire, que vous puissiez croire que l’œuvre était extérieure à vous et que vous pouviez la garder tant qu’il vous plairait à distance.

À Lire également : les comptes-rendus du cycle sur Ôlyrix

Impossible d’y échapper : vous vous asseyez sur votre fauteuil de la salle Pierre Boulez – dont la scène, largement réduite, ne ressemble pas à ce dont vous vous souveniez – et voici que les chœurs apparaissent autour de vous, en différents points. Lucifer lui-même surgira quelques minutes plus tard au-dessus de votre tête, là, tout près, tandis que la sonorisation fait résonner des voix et des bruits dans vos oreilles, provenant de chœurs invisibles. L’œuvre est partout et construit son lent travail d’assimilation.

Donnerstag aus Licht à l’Opéra Comique de Paris © Meng Phu
Lucifer victimaire

Mobilisant, comme on l’a dit, l’ensemble de l’espace, la mise en scène de Benjamin Lazar scinde l’orchestre en deux, avec une partie des musiciens dans la fosse et l’autre au-dessus des protagonistes. Des écrans permettent de projeter le texte ainsi que des images, comme dans la scène Vision qui est une récapitulation des premiers actes.

Des lasers colorés vont aussi, dans la première scène, envahir l’espace tandis que le plateau et la fosse sont plongés dans le noir. On admire que Benjamin Lazar ait réussi, avec une scénographie minimaliste, à rendre à ce point la sensation d’un spectacle total.

Mais le moment qui capte pleinement l’attention des spectateurs est évidemment celui de la confrontation entre Michaël et Lucifer. Ce dernier s’invite à la fête, crevant d’envie d’attirer l’attention et d’être au centre des préoccupations : c’est d’abord le grand numéro du tromboniste/danseur de claquettes Mathieu Adam, puis le combat acharné entre Frank Gizycki et Emmanuelle Grach, et enfin la plainte merveilleusement expressive et puérile de Damien Pass (« Du bist ein Narr » Tu es un fou). De Lucifer belliqueux il devient Lucifer piteux, dont le public rit avec un mélange de pitié et de mépris : son besoin d’exister n’aura pas survécu aux attaques frontales du Michaël chanteur Safir Behloul et du Michaël trompettiste Henri Deléger, qui portent le spectacle sur leurs épaules avec un mélange de vaillance et de grande candeur.

La rançon du ravissement

Détriplé lui aussi, le personnage d’Eve rayonne musicalement avec la soprano Elise Chauvin et son double Iris Zerdoud au cor de basset. La scène « Festival » est notamment l’occasion d’entendre et de voir les nombreuses forces en présence : Le Balcon évidemment, mais aussi l’Orchestre Impromptu, le jeune chœur de paris et les étudiants du CNSM et du Pôle Sup’93. Mais loin d’être écrasants par leur nombre, ces groupes sont toujours totalement intégrés à l’ensemble : il y a quelque chose de très organique, comme une incorporation des artistes aussi bien que du public à un tout, beaucoup plus vaste.

Peut-être avez-vous imaginé, en tant que spectateur, que vous quitteriez les lieux au plus vite après une heure et demie de cette « captivité » : mais avouez que lorsque vous avez rejoint le parvis de la Philharmonie et que vous avez entendu résonner, d’un peu partout autour de vous, les cinq trompettes de l’Adieu qui clôt l’œuvre, vous vous êtes arrêté un moment.

Que vous avez fait durer le plaisir pour ne pas quitter si tôt cette musique, ces lieux et ces gens qui vous ont ravi, dans tous les sens du terme.

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