AccueilA la UneMirga Gražinytė-Tyla, un nom à retenir !

Mirga Gražinytė-Tyla, un nom à retenir !

CONCERT – Un concert éblouissant, innovant et réjouissant de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, mené de main de maître par la jeune cheffe lituanienne Mirga Gražinytė-Tyla. Nous allons vous donner de bonnes raisons de retenir son nom !

La Maison de la radio a fêté la musique vendredi dernier. De prime abord, pourtant, le programme n’en laissait rien paraître. Si on était en territoire connu avec le 1er concerto de Beethoven et Daniil Trifonov en soliste, les deux autres œuvres, Fires, d’une certaine Raminta Šerkšnytė, et Troilus & Cressida, de William Walton, semblaient peu familières. Certes, il y avait bien cette jeune cheffe lituanienne, Mirga Gražinytė-Tyla, au nom imprononçable. On nous en avait vanté les mérites à de nombreuses reprises, et l’occasion était bonne de se forger une opinion à son sujet.

Earth, Wind and Fire

Et là, miracle. Dans le bel Auditorium de la Maison de la radio, le Philharmonique de Radio France, en effectif large, s’est déployé pour donner à entendre Fires, de Šerkšnytė, une somptueuse fresque sonore, bigarrée et chamarrée, faite de vagues circulant de part et d’autre des pupitres, et pétrie d’une sensualité et d’un bonheur de l’instant absolument irrépressibles. Le propos de Fires est ample et majestueux, grand sans être froid, véhément sans pour autant heurter. C’est une œuvre magnifique, écrite par une compositrice née au cœur de la Lituanie, quand son pays était encore intégré à l’URSS.

Pour diriger cette profusion orchestrale, une jeune femme au physique de danseuse-étoile se tient sur l’estrade. Aussi fine et légère que l’œuvre est imposante, elle sait, uniquement par une gestuelle complète de tout son corps, à la fois précise et souple, sublimer chaque timbre et faire jaillir les multiples sources dynamiques qui irriguent Fires, de Raminta Šerkšnytė.

Cristal clear
Daniil Trifonov © Christophe Abramowitz / Radio France 

En contraste esthétique vient ensuite le 1er concerto pour piano de Ludwig van Beethoven, avec le pianiste russe Daniil Trifonov. Et là, autre miracle. Trifonov, en remarquable « chercheur de son » qu’il est, nous distille un Beethoven cristallin, délicat et précis, sans renfort de pédale expressive et jouant seulement sur les dynamiques de phrasé, l’articulation des doigts et l’indépendance des mains. La beauté de l’écriture musicale de Beethoven s’en trouve sublimée, et la performance, dénuée de toute sécheresse, est remarquable. Mais l’orchestre et sa cheffe sont également remarquables. Eux aussi se font précis, joueurs, attentionnés, pour porter ensemble ce bijou du répertoire. Là encore, le style de direction de Gražinytė-Tyla frappe : on croirait voir le Mime Marceau, tant sa direction tient du langage du corps, bien plus convaincant que moult grimaces ou gesticulations. On entend même, dans les instants de silence, respirer à l’unisson tous les musiciens, soliste et cheffe compris…

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Sherry on the cake
Mirga Gražinytė-Tyla © Christophe Abramowitz / Radio France

Pour conclure ce concert, en sherry sur le cake, la suite symphonique Toilus et Cressida, d’après l’opéra composé en 1954 par William Walton et arrangé en 1988 par Christopher Palmer. Si les affrontements entre Troyens et Grecs, sur fond d’amours impossibles à la Roméo et Juliette, sont décrits avec une certaine emphase musicale et façon cinémascope, il n’empêche qu’on ne boude pas son plaisir à écouter ces quatre larges mouvements orchestraux. Encore une fois, l’ensemble des pupitres de l’orchestre s’y taillent la part du lion, et la direction de Gražinytė-Tyla, soucieuse que chaque détail soit à sa place au sein du grand édifice sonore, y fait merveille.

Un concert à réécouter sur francemusique.fr : https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-concert-du-soir/le-concert-de-20h-du-vendredi-27-janvier-2023-1553677

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