NOUVEAUX FORMATS – Réalisée par Christophe Hocké, la fiction sonore Solaris, d’après le scénario d’Andreï Tarkovski et le roman de Stanislas Lem, est en libre écoute sur le site de France Culture. Fruit d’une collaboration fine entre réalisateur, scénariste, compositeur, comédiens, chanteurs, designer sonore, bruiteur, techniciens son…, son écoute ne laisse pas indifférent.
Solaris, chef-d’œuvre de la SF
Écouter Solaris, la fiction sonore de France Culture disponible à ce lien, c’est se plonger dans une expérience sonore et émotionnelle peu commune. À l’origine Solaris était un livre de science-fiction du polonais Stanisław Lem, datant de 1961, qui a inspiré au réalisateur russe Andreï Tarkovski son 3ème long-métrage, en 1972.
Le psychologue Kris Kelvin est envoyé sur la station en orbite autour de la mystérieuse planète Solaris. Au contact de l’Océan vivant qui recouvre la planète, les humains sont soumis à d’étranges phénomènes : délires, hallucinations, suicides. Très peu de temps après son arrivée, Kelvin se réveille aux côtés de son épouse, morte pourtant dix ans plus tôt… Solaris, c’est l’histoire d’un être hanté par l’absence d’une personne aimée, dont la mort semble avoir emporté avec elle toute sa capacité sensible aux autres, à la nature et à lui-même. C’est également une très belle fable sur la communication et les incompréhensions qu’elle engendre.
ÉCOUTER
De la science-fiction… à la fiction sonore
À la radio, le travail sonore, associé à la musique et aux voix, permet de faire naître une matière onirique, comme une émanation sonore qui sonderait les souvenirs, et permettrait d’évoluer librement dans l’inconscient. Pour restituer à la fois l’univers fantasmé de Solaris et l’histoire qui se déroule, Christophe Hocké et son équipe ont gardé l’impression de lenteur, d’étirement et de cosmos, avec une grande place faite aux silences, dans un tempo général molto lento. Quelques rares ponctuations sonores viennent émailler le discours (crépitement du feu, gouttes d’eau, notes mystérieuses au synthétiseur…).
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Un discours sobre et peu bavard, réduit à un huit-clos parfois étouffant : le père de Kelvin, trois scientifiques et l’évocation humanoïde de Harey, l’épouse décédée de Kelvin. Un huis-clos réduit même, la majeure partie du temps, à des conversations nocturnes entre Kris et Harey, au lit, dans le silence intersidéral de la nuit cosmique. Cette intimité du couple qui se cherche dans le dialogue est magnifiquement portée par les comédiens Vladislav Galard et Audrey Bonnet, dont le placement de la voix au plus profond de la gorge, avec une diction claire, est impressionnant.
Un déroulé musical pensé comme celui d’un opéra
La matière sonore a également un aspect visqueux, porté par des mots organiques et charnus, issus du roman de Lem et décrivant l’océan, chantés par des membres du chœur Accentus. Les séquences chantées, composées par Nicolas Worms, viennent, comme des airs d’opéra, commenter ou ponctuer l’action. La trame musicale est quant à elle assurée par de la composition assistée par ordinateur, avec des effets de samples et de son synthétiques en référence à l’univers « science-fiction » du film. Le tout restant dans cette atmosphère alanguie, étirée et informe sur les bords, qui définit cette fiction sonore Solaris.
Une fiction sonore d’une heure quinze, qui, au-delà de l’hommage à un film majeur du répertoire cinématographique, vient installer durablement sa petite musique, de façon étrange et pénétrante… L’avantage étant qu’on peut la réécouter à l’infini !