DANSE – Au théâtre de la Ville, Sharon Eyal et ses danseurs tourbillonent, ensorcèlent et bouillonnent. Un hymne à l’amour au pluriel, pour sept corps qui ne font qu’un.
Sharon Eyal : késako ?
On ne présente plus Sharon Eyal, chorégraphe israélienne et digne descendante de Ohad Naharin. En effet, elle a été danseuse de 1990 à 2008, puis directrice artistique associée en 2003 et 2004 et enfin chorégraphe de 2005 à 2012 de la célèbre compagnie Batsheva Dance Company. Elle prend son envol en 2013 en fondant L-E-V (qui signifie « cœur » en hébreu) avec son compagnon, le musicien électro Gai Behar avec qui elle va créer plus d’une trentaine de pièces pour des compagnies internationales dont Plafona Now (2014) et Soul Chain (2017) pour lesquelles elle a reçu le prix DER FAUST en Allemagne. Le spectacle présenté ce soir est la troisième création de Sharon Eyal pour la compagnie de danse contemporaine allemande du Staatstheater Mainz (Théâtre National de Mayence) Tanzmainz dirigée par Honne Dohrmann.
Faire corps, ensemble
Comme la plupart des créations présentes aujourd’hui, Promise vient d’une collaboration fructueuse pendant le confinement entre Sharon Eyal et Honne Dohrmann qui évoque avant tout la joie de se retrouver après une longue période d’isolement, et de se réhabituer à danser ensemble pour surmonter la peur d’être avec les autres. Pas d’histoire, pas de décor, pas de cadre, que des corps et un seul rayon de lumière pour faire battre notre cœur et celui de la salle pendant 45 min.
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Sur une musique techno ensorcelante d’Ori Litchik, sept danseurs en justaucorps bleu gris et chaussettes de sport assorties forment un et un seul être fusionnel en se collant les uns aux autres sans aucune distinction de genre. Dans un flux de lumière, ils commencent genoux pliés sur demi-pointes comme perchés sur des talons, mouvement signature de la chorégraphe et font apparaître des images aussi vite qu’elles disparaissent. Ce corps fusionnel se forme sans jamais se détacher par des interprètes qui se touchent et se prennent les mains pour former des chaînes humaines. Tous les gestes semblent instinctifs et organiques inspirés par l’amour du collectif. Nous ne pouvons pas détacher notre regard de ce moment de transe sensuel, charnel et pluriel. La connexion intime entre eux en est bouleversante et dégage une énergie collective toujours au bord de l’implosion sans jamais sombrer, car tout mouvement est millimétré et harmonieux.
Touchés en plein coeur
La performance des danseurs est incroyable et leur cadence rythmée sans aucun temps mort nous a subjugué et entraîné pendant 45 min. Parfois, un danseur s’échappe du groupe pour effectuer un solo comme ce jaillissement d’une tête blonde au milieu de plusieurs dos ou le porté d’une danseuse. Ces échappatoires sont toujours là pour mieux revenir en symbiose dans le groupe. Le fil conducteur de cette création est le toucher, les mains n’ont jamais été aussi présentes et permettent toujours à l’individu de revenir dans le groupe. De l’harmonie de ce groupe ressort une beauté charnelle et par bien des aspects, cela nous a évoqué le cultissime « The Season’s Canon » de Chrystal Pite.
Pour cette création merveilleuse de 45min, Eyal nous a touché d’une flèche en plein cœur. Dans un cadre minimaliste, elle nous a parlé de joie, de blessures intimes, de vulnérabilité mais surtout d’amour, l’amour des autres. Une chorégraphe de talent à suivre absolument qui a bouleversé intimement le public ce soir-là. Un public qui lui a bien rendu car il n’a pas hésité à se lever et à applaudir pendant de longues minutes.
