AccueilA la UnePiotr Anderszewski à Montpellier : l’Offrande musicale de Bach

Piotr Anderszewski à Montpellier : l’Offrande musicale de Bach

FESTIVAL – La 6ème Partita de Bach et la Sonate opus 110 de Beethoven ne sont pas si dissemblables selon le pianiste Piotr Anderszewski qui monte sur la scène de l’Opéra Comédie au Festival Radio France Occitanie Montpellier pour inventorier leur héritage, et ce jusqu’au XXe siècle avec une double parenthèse Webern et Szymanowski.

Déconstruire la machine à coudre

« Il n’y a pas de musique qui nous laisse plus de liberté que celle de Bach ». C’est par ces mots de Piotr Anderszewski que la journaliste Saskia de Ville introduit le concert, retransmis en direct sur France Musique. Cela vient cependant quelque peu contredire le célèbre trait de Colette, comparant Bach à « une divine machine à coudre ». Quoique…

En quelques mesures sous les doigts de l’interprète, surnommé très justement « le poète du piano », la machine à coudre se détraque, s’émancipe : plus rien de mécanique, de désincarné et d’abstrait. Cette 6ème Partita révèle son lyrisme et ses rythmes de danses cadencées par un balancement de la main gauche et un accent sur les temps. Des figures géométriques certes, mais qui rappellent celles d’un choral protestant tandis que le jeu de Piotr Anderszewski évoque les intonations d’une voix humaine. C’est particulièrement sensible sur la Sarabande, où se dessine une lente élégie par phrases détachées dont la dernière note vibre dans un écho feutré. Rarement nous est donné d’entendre ainsi dans la musique de Bach, au piano, la réalité humaine de son temps : celle des danses des cours, de l’opéra, des chants liturgiques, …

Jean-Sébastien Bach a « bien tempéré » (accordé) son clavier, Piotr Anderszewski montre combien cette justesse traverse les siècles
Bach to the future

La volonté de l’interprète est sans aucun doute de montrer l’héritage de Bach sur les siècles suivants, notamment dans la Sonate en la bémol Majeur opus 110 de Beethoven. Mais auparavant, contrecarrant un peu l’ordre chronologique, Piotr Anderszewski fait un détour par le XXe siècle d’Anton Webern et Karol Szymanowski.

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Ce dernier, qui a vécu en 1882 et 1937, est l’auteur de variations sur des thèmes de Mazurkas, une danse populaire polonaise. Mais s’éloignant de son prédécesseur et compatriote Frédéric Chopin, il transfigure ces thèmes dans un développement complexe évoquant un paysage. Piotr Anderszewski en fait jaillir les échos d’une fête de village perdu dans le lointain, et même des notes de cors de chasse. A contrario de la pièce précédente, rien de lyrique ici, ce qui n’empêche pas quelques passages emportés, martelés avec fièvre (il y a toujours du métier, à tisser ou à frapper les esprits).

Avec Webern, c’est une toute autre approche de la variation que nous présente le pianiste : la variation pure, dépourvue de tout figuralisme (machine impeccable). Il s’agit de varier les attaques des notes, leurs intensités, les silences qui les séparent. Piotr Anderszewski se livre à cet exercice avec minutie. Cette musique, à première vue difficile d’accès, révèle alors toute sa subtilité et son aspect captivant.

Curieusement, l’artiste ne prend pas le temps de saluer à la fin du morceau. Le passage de Webern à Beethoven se fait donc sans transition, dans un contraste saisissant. Cette fois-ci, le lyrisme est de mise et laisse libre cours à la souplesse des phrasés, au dialogue subtil entre les deux mains, aux nuances qui déferlent et se retirent comme des vagues. Le dernier mouvement comporte, clin d’œil à Bach : une fugue. Piotr Anderszewski l’exécute avec brio, avant d’asséner le bouquet final : sorte de choral débordant où l’on reconnaît pleinement le compositeur de l’Hymne à la joie. L’interprète lui-même, pourtant assez sobre, semble se laisser submerger.

Les grands pianistes chantent, enchantent et incantent les esprits des compositeurs (photo de Piotr Anderszewski © Luc Jennepin)
Back to Bach

Pour clore le concert, Piotr Anderszewski revient à Bach. Enrichis par l’écoute des pièces précédentes, surtout de Beethoven, ces morceaux sonnent autrement. Le pianiste y prend encore davantage de liberté qu’en première partie de concert, pour le plus grand plaisir de son auditoire. L’enthousiasme se lit sur les visages à la sortie du concert. 

Monsieur Anderszewski passe assurément son Bach avec mention très bien.

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