COMPTE-RENDU – Le contre-ténor Jakub Józef Orliński et l’ensemble Il Pomo d’Oro ont donné, le 6 novembre dernier à la Philharmonie de Paris, un récital flamboyant, talentueux et inventif. Retour sur une soirée pas comme les autres.
Un contre-ténor qui monte : Jakub Józef Orliński. Un ensemble jouant sur instruments anciens : Il Pomo d’Oro. Voilà les ingrédients nécessaires et suffisants pour un récital de musique vocale baroque italienne. Ajoutez à cela un soliste un peu saltimbanque, une intention scénographique pertinente et un programme bâti pour installer une ligne dramaturgique fluide. Vous obtiendrez alors un récital d’un nouveau genre, respectant les codes classiques tout en les emmenant ailleurs. Encore faut-il, pour cela, de l’audace, du talent et les bonne personnes.
De l’audace
De l’audace, Orliński n’en manque pas, capable qu’il est d’arriver sur scène drapé d’un grand manteau de mage, façon Zarastro, pour se retrouver plus tard pieds nus, à chanter allongé par terre ! Un audacieux n’hésitant également pas à effectuer des cabrioles et des pas de break dance au moment des bis ou osant chanter depuis le public, en déambulant dans le parterre, armé d’une lampe à tube de néon. L’audace, en un mot, d’animer le récital d’une touche de burlesque et d’inattendu, tout en ne trahissant aucunement l’intention du propos musical.
Du talent
Une intention du propos musical également servie avec talent, ce soir-là. Par le soliste, tout d’abord, dont le beau timbre de contre-ténor, certes un peu léger, est capable de s’élargir avec bonheur, sans forcer, tout en s’appuyant dorénavant sur des graves ayant gagné en confiance et en sûreté. Un soliste traçant avec brio des lignes musicales claires et expressives, faisant fi des difficultés vocalisantes pour, au contraire, les restituer en cascades cristallines de notes. Un soliste, enfin, aussi à l’aise dans l’immense arène de la Philharmonie de Paris que sur une scène en extérieur, au cours d’un festival d’été.
Une aisance qui a vraiment fait merveille durant ce récital, qui le vit se transformer en amoureux languissant, véhément, exalté ou désespéré, mais également en vieille dame ricanante ou en homme jaloux (du guitariste baroque !).
Les bonnes personnes
Pour permettre à ce soliste flamboyant de faire miroiter toutes ses facettes scéniques et musicales, il faut de bons musiciens. Ce fut le cas avec les dix instrumentistes de l’ensemble Il Pomo d’Oro, menés avec dynamisme et souplesse par la 1ère violon Alfia Bakieva. Malgré une justesse parfois précaire, l’impression générale fut surtout celle d’une grande expression libre bien maîtrisée, donnant un heureux sentiment de plaisir collectif. Sans oublier un bel équilibre sonore entre les musiciens et le soliste.
Une personne reste à citer, très importante pour la réussite et la spécificité de ce récital : le chanteur et musicologue Yannis François. Inlassable découvreur de partitions d’airs baroques aux quatre coins de la planète, il a concocté un enchaînement de pièces sur mesure pour la voix et le tempérament de Jakub Józef Orliński, en version longue pour son disque Beyond, et en version courte pour ce récital. Un enchaînement de pièces habilement composé, permettant le déroulé d’un fil musical riche et serein, sans qu’on s’attache particulièrement à tel ou tel compositeur, mais privilégiant la dynamique, la théâtralité et l’effet scénique.
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Une dernière fleur à jeter, enfin, de nouveau à destination du contre-ténor polonais : sa manière de danser, mimer, déambuler, bref de rester sur scène pendant les intermèdes musicaux, d’être là avec les musiciens tout en se faisant discret, était tout simplement poétique et magique. Ce fut vraiment une soirée musicale à retenir, annonciatrice de récitals d’un nouveau genre, talentueux et exaltants.
