DISQUE – Le Château de Versailles sort sur un même album et sous son propre label deux chefs d’œuvre du XVIIIe siècle chantés en français : Bastien et Bastienne de Mozart et La Servante Maitresse de Pergolèse. Gaétan Jarry dirige l’Orchestre de l’Opéra Royal ; Adèle Carlier, Marc Scoffoni et David Tricou prêtent leurs voix aux personnages.
« Less is more » : la virtuosité des petites formes
Vous pensez que l’opéra se limite à une litanie de trois heures cinquante durant laquelle la soprano se morfond inlassablement d’être séparée du ténor par le baryton ? STOP ! Arrêtez tout et écoutez plutôt le nouvel album 2 en 1 du château de Versailles ! Deux CDs pour deux opéras d’à peine 45 minutes contenant 3 personnages chacun (dont un muet) accompagnés par un orchestre d’une grosse vingtaine de musicien.
L’album est présenté dans un bel étui cartonné avec une notice contenant les deux livrets intégraux, une présentation des artistes impliqués et des œuvres ainsi que des reproductions de peintures, dessins et photos en lien avec l’œuvre ou le propos. Le premier CD contient le singspiel Bastien et Bastienne de Mozart qui retrouve ici le français de la pièce dont il est inspiré originellement (les Amours de Bastien et Bastienne). Le second contient une des adaptations françaises (1754) de la Serva Padrona de Pergolèse, devenue la Servante Maîtresse. Deux formes courtes et légères qui trouvent toute leur profondeur dans la simplicité limpide de leur propos comme de leur langage musical.
Les Pitchs : Deux amants se retrouvent tourmentés par les facéties d’un charlatan dans le premier et une servante mène son vieux maître au doigt et à l’œil avant de le convaincre de l’épouser dans le second.
Bergère versus Servante / Mozart versus Pergolèse
Des différences de style sont à noter entre les deux œuvres : l’orchestre comme les chanteurs les font bien ressortir. Bastien et Bastienne est empreint de la douceur pastorale très à la mode dans la France du XVIIIième siècle, avec des lignes de chants épurées et un orchestre baignant les chanteurs d’une ambiance champêtre, légère mais constante. La Servante Maîtresse est imprégnée de Bouffe Napolitaine, avec des airs virtuoses imitant ou parodiant l’opera seria et des personnages plus affirmés qui ne se contentent pas d’être l’objet de leur amour mais l’appuient voire le provoquent.
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Gaëtan Jarry exploite avec finesse chaque corde de son orchestre, à la recherche de la pureté du son plus que sa densité, même s’il en ressort aussi quelques beaux élans, pour accompagner les incantations « magiques » de Colas (le charlatan) par exemple. Il veille également à maintenir les harmonies dans l’accompagnement des chanteurs. Marc Scoffoni et sa voix forte et sûre s’adaptent aussi bien au personnage de basse Bouffe, Pandolfe tourmenté par sa servante qu’à la malice espiègle de celui de Colas. Adèle Carlier se montre à l’aise dans les aigus et très agile dans les pirouettes vocales de la servante même si Bastienne pourrait être encore plus simple dans le chant pour atteindre plus directement l’auditeur. David Tricou révèle un élégant timbre dans le digne héritage de la haute contre française (ancienne dénomination d’une tessiture de ténor aigu). Les notes sont soignées et justes avec une subtile texture. La diction est pour les trois impeccable et l’on peut quasiment tout comprendre sans livret, rien qu’en écoutant.
Pourquoi on aime ?
- Pour la redécouverte de ces deux chefs d’œuvres assez rares
- Pour l’hommage à la langue française
- Pour la finesse des textures de l’orchestre
C’est pour qui ?
- Ceux à la recherche de formats courts et pêches
- Ceux qui veulent (re)découvrir une des faces les moins connue de Mozart
- Ceux qui aiment les disques avec une brochure élégante et soignée