CONCERT – Un pas de côté : l’Orchestre des Champs-Élysées dirigé par un Philippe Herreweghe qui ne se ménage pas a proposé une soirée assez peu baroque (quoique), au coeur d’une semaine de musique ancienne au Festival de Saintes. Double hit-parade : la symphonie Jupiter de Mozart et l’Héroïque de Beethoven.
Philippe Herreweghe a son fan club à Saintes. Un peu comme Maradonna à Naples, les portraits tatoués sur l’avant-bras en moins… La preuve : quand la cathédrale de Saintes a finit de se remplir, que chaque chaise est occupée jusqu’au fond de la nef, que les lumières s’éteignent et que le chef fait son entrée, on se croirait déjà à la fin du concert ! Les bravo pleuvent sur la scène.
Herreweghe : dans son jardin à l’abbaye
L’histoire de Philippe Herreweghe, le plus saintongeais des belges, est intimement liée à celle du festival de Saintes. En 1982, dix ans après la création de ce rendez-vous dédié à la musique ancienne, il entame un mandat de directeur artistique. On devrait dire plutôt : un règne. 20 ans à la tête d’une programmation qui fera découvrir au public des petits ensembles émergents de l’époque : les Arts Florissants, la Chapelle Royale, la Grande Écurie et la chambre du Roy. Rien que ça…
C’est donc devant un public conquis que le chef de 76 ans tout fringant se présente, pour un dyptique symphonique façon hit-parade : Mozart et Beethoven. La Jupiter de l’un, l’Héroïque de l’autre. Sur instruments anciens, les musiciens de l’Orchestre des Champs-Élysées sont dans leur zone de confort. D’ailleurs, beaucoup de ceux présents à Saintes ont participé à la folle équipée de 2017 : une intégrale des Symphonies de Beethoven qui avait reçu les louanges unanimes de ceux que l’interprétation sur instrument d’époque ne fait pas sauter au plafond.
Historiquement informé
C’est un peu un marronnier moderne, mais il faut le rappeler : l’interprétation des grandes symphonies classiques avec cordes en boyau, trompettes naturelles ou flûte en bois n’est pas un contre-sens historique. Beethoven et Mozart n’ont pas crée leurs symphonies avec le Concertgebouw ou le London Symphonic Orchestra dirigé par Karlos Kleiber ou Karajan ! En 1788 (Mozart) et 1804 (Beethoven), les instruments étaient plus proches de Vivaldi que de Yamaha… Il y a quelque chose d’authentique dans la démarche, que le public d’un festival comme Saintes reconnaît et recherche comme un geste esthétique qui change la perception même de la musique, en plus du timbre et de la couleur de l’orchestre. Mais ça, c’est pas nouveau. Depuis 1991, le projet de l’Orchestre des Champs-Élysées n’a pas tellement changé…
L’oeuvre du temps
Philippe Herreweghe, lui forcément, un peu. On voit dans l’économie de l’effort une marque d’expérience : un art de l’épure que le temps a affiné, plutôt qu’une fougue de jeunesse émoussée. C’est la sagesse qui parle dans cette battue simple et sobre. Sage, il l’a toujours été. Mesuré dans ses choix de tempo aussi. Ses versions n’ont jamais été, à l’instar d’un Minkowski, des courses contre le métronome. Ses gestes non plus n’ont jamais été trop démonstratifs. Dans les regards qu’il lance à ses musiciens, on sent plutôt le clin d’oeil vers un geste pensé en répétition que l’invention d’une nuance en direct.
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Dans une semaine saintaise qui mettait en tension le dialogue des générations, avec les historiques Christie et Herreweghe répondant aux nouveaux inventeurs du Consort et de la Tempête, ce concert est une preuve qu’en classique, il est parfois bon que rien ne change…
