FESTIVAL – La programmation du festival de Saintes a de quoi impressionner cette année ! Sous l’impulsion de son nouveau directeur, David Théodorides, les générations se croisent cette année. Le début de semaine fait la part belle aux tout meilleurs d’une génération qui n’a pas fini de faire parler d’elle, dont le Consort est un brillant ambassadeur.
Ne dites plus “musique de chambre baroque”. Dites “Consort” ! Les dernières années, sur la scène de la musique ancienne, ont été celles du passage de toute une génération de musiciens biberonnés aux enregistrements mythiques d’un répertoire qu’on ne finit pas de découvrir, et patiemment nourris par l’émergence de classes spécialisées dans tous les conservatoires de France. Petit à petit, ces beaux oiseaux ont fait leur nid dans le cœur d’un public qui les verra toujours – preuve de tendresse – comme des “jeunes talents”.
Sortir de l’oeuf
Sauf que voilà, les quatre copains du Consort ne sont plus des blancs bec ! Oui, ils ont une petite trentaine. Oui, ils ont fait du chemin depuis leurs débuts, quand on les voyait faire la sieste sur les pelouse de l’abbaye aux Dames de Saintes, leur boîte à instruments en guise d’oreiller. Oui, certains ont des enfants, un agenda chargé et des problèmes “de grands”. Certains ont des orchestres à diriger et un héritage à assumer (Théotime Langlois de Swarte était dans la fosse de l’Opéra Comique en juin). Mais que c’est bon de les voir sur scène, avec la même énergie, si positive, qui a électrisé leurs débuts. Que c’est émouvant de voir Justin Taylor déposer le couffin de son bout de chou aux bénévoles du festival qui veilleront sur son sommeil, le temps du concert…
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Le Consort est né en 2015, quand Sophie de Bardonnèche, Théotime Langlois de Swarte, Justin Taylor et Louise Pierrard avaient la petite vingtaine. Leur histoire musicale est née là, dans des festivals d’été comme celui de Saintes, dans des stages et des masterclass où, il ne faut pas se cacher, la concurrence est rude et les amitiés parfois teintées de jalousies. Mais eux ont trouvé la parade : il suffit d’être les meilleurs et hop ! Fini les problèmes ! Voilà le secret du Consort, la magie de leur entente.
À l’écoute, coûte que coûte
Mais ils ne sont pas les meilleurs musiciens seulement parce qu’ils maîtrisent leur instruments, car la virtuosité n’est pas qu’une affaire de doigtés. Ils possèdent tous une qualité magique : l’écoute. Elle ne se perçoit pas, elle n’est pas démonstrative, elle ne fait pas d’effet de manche mais, si on est attentif, elle se devine par moment dans un sourire, un regard complice qui dit à son partenaire : “on s’est entendu”. Le résultat est là, la nuance est magique, le départ millimétré. La synchronisation idéale de quatre cœurs qui battent.
Humanité retrouvée
On pourrait parler des heures de cette musique sortie des tiroirs, de ce Jean-François Dandrieu dont les traités d’harmonie un peu rasoirs cachaient une révolution pour la musique de chambre française au début du XVIIIème siècle. Un style qui, enfin, intègre et se réclame de l’Italie, après des décennies de tergiversation versaillaise. On pourrait écrire des pages entières sur cette écriture fascinante, cet art de la dissonance et du rythme qui se lit dans la chorégraphie des coups d’archets, tantôt avec et tantôt contre. Mais rien ne remplacera la beauté de ces moments, de cette heure en lévitation totale, dans l’intimité partagée de quatre grands qui servent avec autant d’élégance l’histoire secrète cachée derrière la partition. L’art délicat de l’entente. L’humanité retrouvée, et la paix joyeuse qui habite chacun, en sortant de l’abbaye aux Dames. La musique de chambre dans toute sa splendeur. Oups, pardon : le Consort…
Le Festival de Saintes se poursuit jusqu’au 22 juillet.
Bravo pour ce compte-rendu parfaitement fidèle à ce que nous avons tous ressenti. Tout y est ! Et effectivement, on pourrait passer des heures à souligner la complicité de ces sourires malicieux, l’excellence de la maîtrise technique, la justesse stylistique de l’interprétation, sans parler de l’intérêt majeur et de la beauté de ces oeuvres injustement méconnues.
On en redemande!