DISQUE – L’ensemble Canticum Novum repousse encore un peu plus les frontières de la musique ancienne ! Ils s’étaient arrêtés à Alep avec leur précédent disque (Samâ-ï), les voilà partis jusqu’au Japon avec leur dernier-né : Shiruku. L’histoire d’une aventure musicale tissée au fil des siècles, avec la route de la soie pour toile de fond.
Cant’ à soie
Qui croit encore que la musique ancienne est un monde étriqué, refermé sur une Histoire européano-centrée, une tradition de bardes et de troubadours qui n’intéresse qu’une poignée de musicologues et de passionnés de documentaires encore devant leur télévision à 3h du matin ? Plus grand monde, et sûrement pas les musiciens de Canticum Novum (« Chant Nouveau », pour ceux d’entre nous qui ont séché les cours de latin), qui propose un regard nouveau sur la musique ancienne. On apprécie l’oxymore !
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Avec Shiruku (Soie, en japonais), cette équipe de découvreurs de sons, d’antiquaires de l’instrument, ces Champollion de la partition nous embarquent dans un voyage aux confins du continent eurasiatique, dans une époque lointaine où l’Orient était son centre, et où les caravanes charriaient les merveilles d’un monde en mouvement perpétuel autour d’un axe : la route de la soie, du Moyen-Âge jusqu’au XVIIIème siècle. Un axe commercial dont on découvre aujourd’hui qu’il ne se limitait pas aux rives de la mer de Chine. Le Japon, pourtant assez hermétique aux échanges, ne manquait pas à cette époque de faire rayonner un peu de sa culture ancestrale jusque sur le continent.
Vers la soie
Si Marco Polo faisait sa playlist, c’est à Shiruku qu’elle ressemblerait. Oubliez le canal de Suez, les containers et les super-cargos : c’est par la route que transitaient hommes, femmes, marchandises et idées dans cet âge d’or du voyage. Et quoi de mieux qu’un long périple en charrette pour improviser quand on est musicien ? Avec son oud, son luth ou son tsugaru-shamisen (luth japonais à trois cordes), raviver le souvenir des sons entendus à chaque étape du périple : Fès, Tolède, Venise, Constantinople, Goa… jusqu’aux rives du Japon.
Car ce disque est un mélange re-composé de musiques berbère, européenne, méditerranéenne, ET japonaise. On y découvre des musiques bien ancrées dans leur pays d’origine, avec des marqueurs forts (traditions, instruments et formes), mais avec quelques incursions d’éléments « étrangers ». Un programme croisé autour de racines communes qui raconte la possibilité d’une rencontre entre les musiciens de cette époque, avant que Canticum Novum ne la reconstitue.
Soie-ons fous !
Alors oui, ce programme est un fantasme, une « re-création » comme l’explique Emmanuel Bardon (fondateur de Canticum Novum) dans le livret du disque, riche d’informations sur l’état du monde à cette époque, notamment les liens entre la toute-puissante Chine et ses rapport avec son tout aussi puissant voisin. Oui, le Japon était fermé aux étrangers, et à part quelques jésuites un peu casse-cou, personne ne se risquait à pousser le voyage jusqu’à ses rives. Mais quand on entend la richesse de sa tradition musicale, quand on découvre le son du koto, on se dit que, forcément, un peu de cette lumière a rayonné jusqu’à nous. À la faveur de quelques caravanes remplies de trésors, et d’un soleil qui n’a pas fini de se lever sur le monde. Cap à l’est, avec Shiruku !
Shiruku, par l’ensemble Canticum Novum, paraît ce vendredi 20 octobre, aux éditions Ambronay.
Pourquoi on aime ?
- Pour la découverte d’une musique ancienne d’une richesse inscoupçonnée
- Parce que le Japon continue de nous fasciner
- Parce qu’on aime les paradoxes, et qu’un ensemble de musique ancienne qui produit de la nouveauté, ça se retient !
