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Versailles : Juliette et Roméo, dans cet ordre

OPERA – Entre deux alertes à la bombe, l’Opéra de Versailles présente une nouvelle rareté : Juliette et Roméo, dans la version de Niccolò Antonio Zingarelli. Bien sûr, nous connaissons tous l’intrigue, mais l’œuvre et le compositeur sont sans doute étrangers à beaucoup d’entre vous. Le mieux pour l’apprécier est de ne pas comparer cette œuvre à d’illustres opus (Gounod et Bellini en tête), mais de l’apprécier pour ce qu’elle est. Voici ce à quoi vous pouvez vous attendre.

Ce qu’elle est

D’abord, l’œuvre, qui connut à l’époque une immense succès public, reste comme l’un des opéras préférés de Napoléon. Si les mauvaises langues pouvaient se demander si ce qu’appréciait le plus l’Empereur n’était pas finalement son interprète, Giuseppina Grassini qui devint son amante, la partition donne des arguments à la sincérité de la passion mélomane de Bonaparte. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’il pleura en entendant le castra Crescentini interpréter l’air de Roméo ? Toujours est-il que la partition présente une musique aux lignes mélodiques variées qui s’enchevêtrent avec dynamisme. 

Cette production est la première dans l’histoire à réunir l’Orchestre de l’Opéra Royal et le Chœur de l’Opéra Royal, deux formations récemment créées pour servir les projets de Château de Versailles spectacles. C’est Stefan Plewniak qui dirige ces phalanges comme un colosse qui se battrait contre une nuée, à grands gestes. L’Orchestre est mordant et vivace, tandis que le chœur, très ensemble, participe aux chorégraphies. 

Ce qu’elle n’est pas

Zingarelli n’est ni Mozart, figure de proue de la période classique qui se termine alors, ni son propre élève Bellini, chantre du romantisme. Son œuvre (créée 9 ans après la mort de Gluck) est entre les deux. Influencé par le premier, influençant le second. L’ouverture est fidèle aux canons de l’opera seria, tandis que la mort des amants de Vérone plonge dans un lyrisme plus tardif. 

Ainsi, cet opus n’est pas les Capulet et les Montaigu de Bellini ni Roméo & Juliette de Gounod. Le livret tire en effet l’essentiel de son inspiration de la version italienne de Luigi Da Porto. D’abord, comme chez Bellini, le nombre de personnages est réduit (bye bye Mercutio, Frère Laurent et Gregorio, tous ici représentés par Gilberto, tout comme Pâris et Tybalt ne font qu’un). N’y allez pas non plus pour voir la scène du balcon : elle n’y est pas. Le faux poison et ses conséquences funestes sont en revanche bien là. Avec une nuance : contrairement à ses deux homologues, cet opus voit Juliette se suicider sous les yeux de son père et de toute sa cour. Dans cette mise en scène, on se demande d’ailleurs pourquoi personne ne bouge le petit doigt pour l’empêcher de passer à l’acte. Ils ne devaient pas beaucoup l’aimer, finalement, car ils n’ont même pas l’air horrifiés lorsqu’elle s’écroule. 

Allez Juliette, cul-sec… © Ian Rice

Ce Juliette et Romeo (Giulietta e Romeo) n’est certes pas Don Giovanni, même si l’Opéra de Versailles utilisera les décors de cette production (signés Roland Fontaine) pour sa prochaine version scénique du Dom Juan mozartien par Marshall Pynkoski : partage de décor de plus en plus fréquent, comme réponse aux contraintes tant écologiques qu’économiques. 

La mise en scène de Gilles Rico n’est pas moderne. Vous n’y verrez pas de bidet ou de baignoire : déstabilisant ! Mais rassurez-vous, l’histoire est tout de même transposée. Ironiquement, l’intrigue est déplacée l’époque du Directoire… Alors même que La Fille de Madame Angot qui s’y déroule a été transposée pour l’Opéra Comique en 1968 parce que le Directoire n’était pas supposé parler au public ! Bref, les Capulet sont donc les réactionnaires thermidoriens tandis que les Jacobin sont représentés par un Roméo Montaigu transformé en Napoléon (sauf qu’il meurt à la fin…). 

Franco Faggioli en Napoléon : rien que pour ça… © Ian Rice
Plateau vocal point par point :
  • En Roméo, Franco Fagioli, exceptionnellement doté de cheveux pour mieux ressembler à Napoléon, trouve là un rôle à la mesure de son immense ambitus, qu’il sert par des lignes nourries d’un souffle inépuisable. Ses ornementations constantes et fleuries se mélangent à son vibrato creusé dans une virtuosité impressionnante. 
  • Dans sa robe griffée Christian Lacroix, Adèle Charvet (Juliette) s’appuie sur une voix de cachemire, douce et souple, qu’elle manie avec agilité. 
  • Krystian Adam est Evrard, le père dont la haine cause tous les malheurs. Il a cependant un côté bonhomme et une voix mozartienne relativement claire, qui le rendent malgré tout sympathique. 
  • Nicolò Balducci chante Gilbert d’une voix de contreténor virevoltante bien qu’ancrée dans l’aigu. Ses changements de registres sont cependant souvent abruptes. 
  • Florie Valiquette (Mathilde) n’est certes pas calée sur le chœur dans sa première intervention, mais ses aigus légers et son timbre pur auraient mérité de Zingarelli quelques lignes supplémentaires dans la partition. 
  • Valentino Buzza, qui apparaît finalement plus souvent en tant que fantôme que fiancé de Juliette en Théobald, n’expose finalement sa voix au timbre riche que dans des récitatifs. 
À lire également : 3 Questions à Adèle Charvet

Manifestement ravi, le chef offre une accolade appuyée au metteur en scène sous les bravo du public, tandis que le directeur des lieux, Laurent Brunner, distribue des bouquets de roses blanches, classique et simplement beau, comme ce spectacle. Pour aller plus vite, il jette le sien à la première violon depuis la scène. En espérant que les épines aient bien été enlevées ! 

Enregistrée durant la pandémie, l’œuvre existe en CD grâce au label Château de Versailles Spectacles. 

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