COMÉDIE MUSICALE – Un musical qui nous fait redécouvrir le destin romanesque d’une des femmes les plus inspirantes du 20e siècle : Joséphine Baker. Un retour d’autant plus émouvant qu’il se passe à Bobino, une salle symbolique pour l’artiste qui y célébra il y a presque cinquante ans, ses cinquante ans de carrière. Une renaissance en musique à découvrir tous les mercredis soir, du 25 octobre au 13 décembre.
Le roman Baker
Mariée à 13 ans, issue du ghetto noir du Missouri, Joséphine Baker, alias Freda Joséphine McDonald, décide de s’envoler pour la France, où elle devient l’icône du tout-Paris des Années folles. En plus d’être chanteuse, danseuse et meneuse de revue de talent, elle s’engage aussi dans la résistance française et lutte contre la ségrégation raciale aux côtés de Martin Luther King Jr. En 2021, près de cinquante ans après sa mort, elle sera la première femme noire à être enterrée au Panthéon. Ce spectacle nous fait redécouvrir sa vie passionnante et romanesque en une quinzaine de tableaux colorés et chorégraphiés, le tout en musique, dans la joie et la bonne humeur.
On y croise des personnages hauts en couleur, comme ses amants (Paul Colin, Pépito) et ses maris (Willie Baker, Jo Bouillon) ou encore des icônes du cinéma (Jean Gabin, Brigitte Bardot, Grace Kelly) et des héros (résistants français, Martin Luther King Jr). Entre sa lutte contre la ségrégation raciale, avec sa fameuse participation à la marche pour les droits civiques à Washington en 1963, et son engagement dans la résistance française, où elle n’hésitera pas à mettre sa vie en danger, elle est loin du stéréotype de leEmpire colonial français dans cette période d’entre-deux-guerres. Ce spectacle nous démontre qu’elle est bien plus que cette meneuse de cabaret vêtue d’une simple « ceinture banane ». Philanthrope, elle adoptera 12 enfants de toutes origines, constituant ainsi ce qu’elle nommera sa « tribu arc-en-ciel ». Sa vie est un roman et méritait bien un musical pour la raconter.
Bobino, comme un symbole
Jean-Pierre Hadida, sous la direction d’un des fils adoptifs de Joséphine, Brian Bouillon Baker, lui rend hommage dans ce musical à Bobino, une salle symbolique car c’est la scène où elle fit son grand retour en 1975 pour célébrer ses cinquante ans de carrière avant de mourir quelques semaines plus tard d’une attaque cérébrale à 68 ans. Le musical résume efficacement sa vie, de son enfance à sa mort. Dans ce condensé façon Wikipédia, le metteur en scène a sélectionné judicieusement les faits les plus marquants de sa vie et les a mis en musique avec un panachage de ses tubes incontournables comme « J’ai deux amours » ou « Paris, Paris, Paris » et de chansons originales parfois aux paroles un peu simplettes comme « I have a dream » flirtant avec le gospel pour rendre hommage au discours de Martin Luther King ou « je n’avais pas vue toupie » pour raconter son enfance. On regrettera aussi l’absence d’un orchestre livre. La musique se limite malheureusement à un seul pianiste, Raphaël Bancou (néanmoins très bon !) et à une bande son enregistrée.
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Nevedya : Baker incarnée
Une troupe de huit artistes, aussi bon acteurs que chanteurs, donne vie à cette histoire romanesque version accélérée. La comédienne chanteuse martiniquaise Nevedya endosse le rôle-titre avec brio et porte littéralement sur ses épaules ce musical. Sublime voix, elle a déjà chanté en tant que choriste pour Michel Polnareff, Christophe Willem ou encore le chanteur britannique Ed Sheeran et dansé pour Kamel Ouali ou Saturday Night Fever. Avec toutes ces cordes à son arc, elle a pris ce rôle de Joséphine très à cœur : « En cherchant dans mon histoire, je vais trouver des choses en rapport avec Joséphine. Je vais mettre mon amour de la danse, de l’acting, tout ça pour faire ma recette ! ». En tout cas, sa recette fonctionne plutôt bien et elle parvient à nous retranscrire le grain de folie de Joséphine. Le défi est alors relevé haut la main, tant elle incarne toutes les facettes de cette femme exceptionnelle, aussi bien la femme enfant amoureuse que la femme libre, la danseuse de cabaret, la militante ou la résistante dans l’armée de l’air. Vous l’avez compris, Nevedya, par son dynamisme et son humour, irradie sur scène et est notre coup de cœur de cette soirée. Les autres personnages sont souvent relégués à la figuration mais n’en sont pas moins talentueux et avec de belles voix.
Le petit bémol reste une mise en scène très épurée, qui se contente de simples projections vidéo avec un cruel manque de décors, de froufrous et de paillettes. Les chorégraphies sont parfois un peu trop simples et le livret musical n’est pas assez abouti. Mais ce n’est que du détail face au rythme enjoué de ce musical, qui nous happe complètement. Bref on ne s’ennuie pas une seconde et on s’immerge dans cette époque magique avec beaucoup de plaisir pour redécouvrir la vie de la cultissime Joséphine. Un bel hommage qui vaut le coup d’être vu.
