DANSE – Le come-back attendu de Peter Pan à Bobino pour le plus grand bonheur des enfants et de leurs parents, qui seront invités à voler en famille au pays imaginaire. Un peu de poussière magique et vous voilà en enfance grâce à cette adaptation musicale réussie du chef d’œuvre de J.M. Barrie, devenu un des spectacles cultes de Bobino.
Après une tournée internationale du Liban au Maroc en passant par la Tunisie et la Martinique, Peter Pan revient à Paris pendant la période des fêtes : 30 nouvelles représentations pour ceux qui l’avaient loupé les années précédentes. « Plus de 600 000 spectateurs », indiquent les affiches placardées un peu partout dans le métro. Un succès qui fait salle comble à Bobino depuis 2005.
Un garçon qui ne voulait pas grandir
Un petit rappel de l’histoire popularisée par le dessin animé des Studios Disney en 1953 : un soir, Mr et Mrs Darling se rendent au théâtre et laissent leurs deux jeunes garçons sous la surveillance de leur grande sœur Wendy. Les enfants s’endorment et Peter Pan, l’enfant qui refuse de grandir, leur rend alors une visite inattendue et les persuade de l’accompagner jusqu’au pays imaginaire de Neverland. Après un vol féérique, des aventures extraordinaires les attendent en compagnie de personnages plus farfelus les uns que les autres : la fée Clochette, les sirènes, Lili la Tigresse et sa famille de « Peaux-Rouges », les pirates et leur chef Crochet et bien sûr le crocodile qui a avalé un réveil. Après La Belle et la Bête et Blanche Neige, Guy Grimberg nous offre une adaptation musicale fidèle et réussie du chef d’œuvre de l’écrivain James Matthew Barrie, publié en 1911.
Une mise en scène poétique et magique
Après une courte vidéo de Pascal Minet, qui nous plonge dans un Londres idéalisé sous forme de dessin animé, le rideau noir à paillettes de Bobino se lève, et la chambre à coucher des enfants Darling apparaît : elle est somptueuse. Mrs Darling quitte ses enfants et Peter Pan débarque dans un magnifique costume vert moulant fait d’assemblages de feuilles mortes pour récupérer son ombre oubliée (un voile noir) lors de ses visites précédentes. Le vol féérique des enfants Darling peut alors commencer, grâce à quelques tours d’effets spéciaux magiques de Gérard Rocher, et on se retrouve dans la grotte des enfants perdus puis sur le pont du bateau pirate Jolly Roger. La scénographie est très réussie : les décors réalisés par Antoine Jayezet et les costumes dessinés par Corinne Joubert sont splendides et respectent l’époque, la même que celle du dessin animé des Studios Disney.
Un casting pêchu
Au décor féérique, s’ajoutent quinze acteurs chanteurs qui ont plusieurs cordes à leur arc : ils dansent (un numéro de claquettes étourdissant), volent, se battent et chantent en live (un numéro de rap plutôt marrant). Ils regorgent d’énergie, se donnent à fond dans leurs rôles et ont beaucoup de plaisir à jouer ensemble. Il n’y a aucun enfant dans la troupe, uniquement des « enfants » interprétés par des jeunes filles grimées en jeune garçon. Et pourtant l’illusion est parfaite et totale, tant pour les garçons Darling que pour les enfants perdus. Les interprètes sont plutôt bons et ne ménagent pas leurs efforts pour les faire vibrer les enfants, qui les prennent pour les leurs. On pense notamment à la danse acrobatique et gracieuse de Lili la Tigresse (l’agile Gaëlle Pauly qui interprète aussi Mrs Darling) ou à l’excellent Capitaine Crochet (Christophe Jeannel) ou encore à la jolie et malicieuse Wendy (Delphine Le Moine) et bien sûr au dynamique et fougueux Peter Pan (Thibaut Boidin) qui bondit dans tous les sens et sait aussi bien animer une salle qu’un chauffeur de salle.
La séance est le samedi après-midi à 14h juste après le repas. Autant dire que les enfants sont en pleine forme et osent exprimer avec toute leur spontanéité les émotions qui les traversent. Alors, quand Peter Pan va boire une boisson empoisonnée, les enfants dans la salle se mettent à crier et l’alertent pour éviter qu’il trépasse. Mais c’est la fée Clochette qui le boit et qui trépasse et là c’est le drame : les enfants crient alors à gorge déployée leur croyance en les fées pour la réanimer. Attention à vos oreilles. Avec ses apartés salutaires, les enfants sont tenus en haleine et ne sont plus simples spectateurs. Ils semblent alors passer un excellent moment avec ce spectacle dynamique qui canalise leur énergie et qui leur est autorisé dès l’âge de 3 ans.
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Wendy : une mère pour tous…
Le seul petit hic est la vision à peine matriarcale du personnage de Wendy, qui une fois arrivée au pays imaginaire va incarner la parfaite maman de substitution des enfants perdus, uniquement des petits garçons qui sont tombés du landau, car oui les filles sont trop intelligentes pour perdre leur nounou de vue et tenter l’aventure. Wendy, petite femme au foyer s’épanouit dans le ménage et la cuisine mais aussi dans le rôle de conteuse d’histoire. Mais on ne lui en veut pas, à cette gentille Wendy, car elle a tellement d’amour maternel à donner que cela en est même touchant. Elle finira même par amadouer les pirates. Et puis Peter Pan la rassure en ajoutant qu’une femme vaut vingt hommes comme pour se rattraper de condamner Wendy à lui faire la popotte et le ménage et à se décharger de son rôle de père. Certains passages humoristiques sur les femmes manquent donc un peu de finesse et semblent complètement décalés par rapport à la société actuelle. Ils mériteraient d’être adaptés pour éviter de tomber dans un sexisme un peu douteux. Mais à part ce bémol d’un autre temps, la magie opère.
Vers l’infini…
Après 18 ans de succès à Bobino, le spectacle est toujours là avec un nombre de spectateurs qui augmente chaque année et qui atteindra sûrement le million dans les prochaines années. Il enchantera les adultes qui échapperont à leur quotidien parfois morose de parents mais surtout leurs enfants qui rêvent d’une vie en couleurs et qui ne veulent pas grandir. Pour faire un break salutaire avant Noël, les indications sont claires : « Deuxième étoile à droite et tout droit, jusqu’au matin ! »