COMÉDIE MUSICALE – Le public français peut enfin découvrir la première création de Stephen Sondheim, légende de la comédie musicale. A funny thing happened on the way to the Forum, donné dans des conditions royales dans la nouvelle salle du Lido, est un péplum musical vaudevillesque hilarant avec une distribution qui assure vocalement.
Un cabaret mythique
Le grand cabaret parisien de l’Avenue des Champs-Élysées si connu des touristes et où se sont produits Édith Piaf, Marlene Dietrich, Joséphine Baker, Laurel et Hardy, Dalida, Shirley MacLaine, Elton John et bien d’autres a fermé ses portes en septembre 2022. Finis les spectacles de cabaret avec plumes et paillettes, le groupe hôtelier Accor l’a rebaptisé en Lido 2 et a donné sa direction à Jean-Luc Choplin, l’ancien directeur du Théâtre du Châtelet pour en faire un théâtre musical avec des comédies musicales en langue originale dans la même veine que les grands shows de Broadway. Son idée est de créer des comédies musicales exportables à Londres ou à New York. On a déjà hâte de découvrir les prochaines comme le cultissime The Rocky Horror Show.
Stephen Sondheim : késako ?
On ne présente plus Stephen Sondheim, le parolier de West Side Story et compositeur de comédies musicales cultes dont Sweeney Todd et Follies. Le New York Times l’a même désigné comme compositeur le plus vénéré et influent de la deuxième moitié du XXe siècle. Jean-Luc Choplin, grand fan, fut le premier à monter ses œuvres au théâtre du Châtelet pour le faire découvrir au public francophone : A Little Night Music (2010), Sweeney Todd (2011), Sunday in the Park With George (2013), Into the Woods (2014) et Passion (2016).
Il nous présente la première création de Sondheim, créée en 1962 à Broadway avec Burt Shevelove et Larry Gelbart, d’après les farces théâtrales de Plaute (IIIe siècle avant J.-C.) : A funny thing happened on the way to the Forum. Son humour décalé a raflé six Tony Awards, dont celui de la meilleure comédie musicale. Aujourd’hui, il est l’un des plus grands succès de Broadway, avec plus de 900 représentations.
Le pitch : Cyrano façon Péplum
Ce musical raconte l’histoire d’un esclave paresseux, Pseudolus (« imposteur » en grec), qui va aider son jeune maître Hero, fils du sénateur romain Senex à conquérir le cœur d’une jeune courtisane vierge et naïve mais surtout de la très belle Philia (« amour » en grec) de la maison close de Marcus Lycus. Cependant cette dernière a déjà été vendue au capitaine Miles Gloriosus, un gros macho bourré de testostérones. Pseudolus va alors établir des stratagèmes pour sauver la belle mais surtout gagner sa liberté. Quelques passages sont hilarants. On retiendra que pour dormir, il n’y a rien de mieux qu’une potion avec de la sueur de jument ou qu’un sourire peut cacher le premier symptôme de la peste. Par contre quelques blagues sont un peu d’un autre temps et légèrement machistes. Et on regrette que le personnage de Philia soit caricatural : elle est jolie, mais elle ne sait pas compter…
Mise en scène antique (et pas en toc !)
Le metteur en scène irlandais Cal McCrystal, aidé par le scénographe Tim Hatley organise la scène avec brio et simplicité : trois maisons en forme de tour pivotent et permettent la fluidité de quiproquos et de courses poursuites hilarantes. Le clou du spectacle reste la scène où le plancher amovible descend puis remonte pour faire apparaître une piscine et des fontaines avec de superbes femmes déguisées en fleurs sur des nénuphars. On adore cet interlude, qui est un clin d’œil à l’ancien cabaret et à ses Bluebells Girls. Beaucoup de spectateurs (surement des touristes) sortent leur téléphone portable, pour montrer qu’ils étaient bien au Lido avec de jolies femmes dévêtues, et pas des énuques romains en slip… Une autre scène de cabaret marquante est un numéro de contorsionniste assez impressionnant par l’acrobate Seynat, qui laissa le public bouche bée.
Point par point : Broadway, comme si on y était !
La distribution est formidable, avec des acteurs aussi bons danseurs que chanteurs, comme on peut l’attendre d’une comédie musicale, dans le plus pur style Broadway.
- On retiendra particulièrement le nom de la française Neïma Naouri (Philia), la fille de Laurent Naouri et de Natalie Dessay qui y est excellente en parfaite ingénue. Elle a ce mélange de fraîcheur et de naïveté qui lui permet d’irradier sur scène avec un timbre satiné et une diction parfaite.
- Face à elle : Hero, incarné par le jeune britannique Josh St Clair, drôlissime et désarmant en gosse de riche naïf. L’alchimie est bien là entre les deux et leur duo fonctionne à merveille notamment sur la chanson « Lovely ».
- Les parents de Hero sont hilarants dans leur jeu d’acteur : Patrick Ryecart nous fait beaucoup rire dans la scène du bain et face à lui la soprano Valérie Gabail, devenue coach de voix, fait un sans-faute avec sa voix qui porte haut.
- John Owen Jones, connu pour son rôle de fantôme dans Le fantôme de l’Opéra et de Jean Valjean dans Les Misérables, incarne brillamment Gloriosus, le mâle alpha avec son timbre grave, qui fait de lui un personnage très sûr de lui.
- Andrew Pepper est excellent en Hysterium, notamment quand il se déguise en jeune femme effarouchée.
- Enfin Rufus Hound incarne un Pseudolus toujours en interaction avec le public. Il est irréprochable dans son jeu de théâtre, mais peut-être un peu moins vocalement.
Côté musique, rien à redire, sous la baguette de Gareth Valentine, l’orchestre de dix-huit musiciens divisés en deux entre cour et jardin livre une jolie performance et permet de donner le ton à ce spectacle rythmé et dynamique.
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Que demande le peuple ?
On y va pour passer une soirée agréable sans prétentions, confortablement installés dans de jolis fauteuils avec champagne et petits fours. Cette farce musicale hilarante nous permet d’échapper à l’actualité morose sans se creuser les méninges, et ça fait un bien fou !
