CONCERT – Si les vedettes y défilent à l’heure du dîner, le Gstaad New Year Festival met aussi à l’honneur, plutôt à l’heure du goûter, des « Jeunes talents » qui n’ont de juvénile que leur âge. Car dans le cadre intimiste des églises remarquables du pays bernois, de véritables pépites en devenir se font connaître. Dont un pianiste qui devrait sans tarder faire beaucoup parler de lui !
Ne cherchez plus, elle est là. Cessez les télé-crochets, arrêtez les divertissements à paillettes du samedi soir, stoppez les votes par SMS. Il est là, le prodige et la nouvelle star réunis.
- Nom : Hyuk Lee.
- Age : 24 ans tout juste.
- Nationalité : Sud-Coréenne.
- Particularité : ne recule devant rien. Encore moins devant des montagnes. Et comme elles sont grandes, celles qui entourent le pays de Gstaad et la charmante petite église du village de Lauenen.
Et comme ils sont grands, aussi, ces sommets qui composent ce programme voué à faire connaître ce jeune virtuose déjà lauréat en 2022 du fameux concours international de piano Long-Thibaud. Et avec le Premier Grand prix, of course !
Cliff-banger
Au menu du concert, donc ? Une Fantaisie (en ré mineur) de Mozart, une Rhapsodie Hongroise (la 12ème) de Franz Liszt, une Sonate (la 1re) de Sergueï Rachmaninov. Vertigineux, on vous dit ! Mais le vertige, voici une jeune pépite qui semble ne pas le craindre, grimpant chacun de ces sommets du répertoire pour piano solo de ses mains nues qui cherchent avant tout, visiblement, à tirer sur la corde sensible. Car ainsi semble être ce Huyk Lee : généreux à souhait, et guère calculateur à l’heure de faire grimper l’intensité de tempo et des nuances.
- Son Mozart ? Un délice de jeu léché, subtil, enrichi par une technique déjà experte, mains galopantes et doigts en fusion avec les touches.
- Son Liszt ? Un autre ravissement, d’une intensité incroyable, les mains légères mais le jeu et le regard si grave, comme transcendé par l’esprit d’une œuvre à la fois dansante et nostalgique où l’on se laisse ici porter comme dans un film plein de rebondissements. Et dont la fin est un genre de tourbillon sonore et rythmique dans laquelle la technique et la précision du jeu de l’artiste ne se laissent pas emporter, bien au contraire.
- Et Rachmaninov, alors ? A n’en pas douter, il aurait apprécié l’interprétation, pour ne pas dire incarnation, de l’une de ses masterpieces. Élans mélancoliques, sonorités tourmentées, spleen certain et sursauts enfiévrés portés par de tempétueux crescendos : rien ne manque, et tout n’est que beauté et poésie dans l’exécution d’une pièce jouée par un soliste habité, regard fermé et tête tournée vers le ciel comme pour mieux s’imprégner d’une divine musique.
À lire également : Bruce Liu, le signe du chant
Toujours plus haut
Et puisque le jeune homme semble définitivement habité par l’esprit du compositeur russe, alors voici, en bis, deux incontournables préludes de ce même Sergueï (dont le célébrissime et virevoltant n°5 de l’opus 23), nanti d’une Polonaise plus Héroïque que jamais de l’incontournable Chopin. Et pour un peu, le public en redemanderait encore, applaudissant sans retenue, à renforts de bravos sonores, un Hyuk Lee à la carrière plus que prometteuse, qui a même déjà pu se produire lors du grand Concert de Paris le 14 juillet dernier. Ainsi vont les temps modernes : pour une nouvelle star, la télé n’est jamais loin…
Demandez le programme !
- W-A. Mozart – Fantaisie en ré mineur, K.397
- F. Liszt – Rhapsodie hongroise N°12 en ut dièse mineur, S.244
- S. Rachmaninov – Sonate pour piano no 1 en ré mineur, opus 28
