AccueilA la UneBruce Liu, le signe du chant

Bruce Liu, le signe du chant

CONCERT – Nouvelle coqueluche du Festival International de piano de La Roque d’Anthéron, Bruce Liu était ré-invité cette année pour un concert grand format, avec les deux concertos d’un compositeur qui lui colle à la peau : Chopin. Une soirée inoubliable.

Dans les allées du parc de la Roque d’Anthéron, à l’ombre des platanes immenses, deux festivalières discutent : 

  • C’est lui tu crois ? 
  • Ben écoute on dirait bien, oui ! Le p’tit jeune là, qui était venu l’an dernier jouer Chopin. C’était beau !
  • Oh oui, il est candaien ! Non, chinois ! Ou français ! Je sais plus. Rhaaaa, comment il s’appelle déjà ?
Chopin, à jamais
Dans sa bulle… ©Valentine Chauvet

Il s’appelle Bruce Liu, mesdames. Et, oui, c’était beau. En 2021, ce jeune pianiste né à Joinville d’une mère chinoise et d’un père canadien crève l’écran du très, très prestigieux concours Chopin, déjà, en remportant haut la main toutes les épreuves. Quelques mois plus tard, il se présente humblement sous la conque du Festival international de piano de la Roque d’Anthéron pour un récital Chopin, encore. C’est le coup de foudre. Le public est conquis, Bruce Liu est reconnu dans les allées du parc quand il vient assister aux concerts, et René Martin (directeur artistique) comprend qu’il tient la nouvelle coqueluche de La Roque. Il le ré-invite donc cette année, avec orchestre cette fois, pour une soirée et deux concertos. Chopin, toujours.

Ils sont curieux ces deux concertos de Chopin. Composés à Varsovie, sur le sol natal, avant l’exil à Paris, dans un nouveau monde amer qui ne mettra jamais à sa disposition de plus grands moyens que ceux d’un petit salon et de l’enclos en deux dimensions du piano seul, dont il fera un monde. Deux succès, coup sur coup, à un an d’écart, dans l’énergie débordante d’un début de carrière couronné de lauriers. Premier point commun avec Bruce Liu.

Intégrale des concertos de Chopin, en une soirée ! Oui bon, ok, y’en a que deux… ©Valentine Chauvin
Chopin dans le texte

Le deuxième est moins factuel, plus sensoriel et intuitif. L’avantage avec les grands pianistes, c’est qu’on a pas besoin de tourner autour du pot. Les cases cochées de la virtuosité et de la technique, on peut tout de suite parler musique, en commençant par noter un fait qui accroche tout de suite l’oreille : Bruce Liu ne fait que très peu de grand rubato. Le rubato, c’est cette façon de ralentir certains passages, certaines fins de phrases, comme pour amplifier leur impact dramatique, avant de basculer dans une autre séquence. Si vous écoutez Chopin régulièrement, vous voyez ce qu’on veut dire. Or, on a trop souvent tendance à l’oublier, mais le rubato de Chopin n’est pas forcément écrit ! En près de deux siècles d’interprétation, on l’a plus ou moins utilisé à bon escient, y compris quand il s’agissait de ralentir la machine pour masquer la difficulté… Résultat des courses : il n’existe pas de consensus sur le rubato chez Chopin. Ce dont on est sûrs en revanche, c’est qu’il est plutôt une conséquence de la volonté de Chopin de rapprocher le piano de la voix humaine, fasciné qu’il était par le belcanto italien. 

À lire également : Hania Rani, Roque’n roll…
Effet papillon

Bruce Liu, chante. Sacrément même… Il chante parce qu’il a compris le secret de Chopin, à force d’en travailler la matière musicale. Il sait, par exemple, que la sincérité en est une qualité essentielle, et qu’il faut être ému pour émouvoir. Il sait aussi qu’il faut avoir été amoureux pour jouer le deuxième mouvement du concerto n°2. Amoureux comme Chopin l’était de Konstancja Gladkowska (une chanteuse, tiens tiens…), à qui il a dédié ce moment de grâce secret. Bruce Liu a sûrement compris qui était Chopin. En tout cas, il nous donne une idée de l’homme, en lisant dans la forêt de doigtés et de doubles-croches de la partition que cet être complexe employait sa langue de haute-voltige, non pas parce qu’il était un paon vaniteux, mais parce qu’il ne savait parler que celle-là. Chez Chopin, comme chez Bruce Liu, la vélocité n’est pas de l’esbrouffe. Au vol du bourdon, il préfèrera toujours l’effet papillon : petit ruisseau sur le clavier pour une rivière de larmes dans le public. 

Et même quand il vient saluer à la fin du concert, il n’ose pas se mettre en avant, préférant rester en retrait de la scène, au bras de son partenaire du jour, le chef du Philharmonique de Marseille Lawrence Foster, également acclamé. La classe, jusqu’au bout des doigts…

Sur le même thème

1 COMMENTAIRE

  1. Merci de ce très bel article. J’ai découvert Bruce Liu à la fin du concours Chopin et depuis je l’écoute…très souvent. On entend tellement de details dans son jeu et aucun pianiste ne me transmet autant d’émotions, de la danse aux larmes. C’est extra-ordinaire !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Vidêos Classykêo

Articles sponsorisés

Nos coups de cœurs

Derniers articles

Newsletter

Twitter

[custom-twitter-feeds]