CONCERT – La chaleur de l’Orient s’invite à La Roque, attisée par Alexandre Kantorow et Gábor Takács-Nagy, avec le concerto « Egyptien » de Camille Saint-Saëns. Chaud devant !
C’est sous une chaleur étouffante que le public de La Roque d’Anthéron se rassemble en nombre pour acclamer Alexandre Kantorow. Les traditionnels gradins installés dans le parc du Château de Florans sont quasi-complets pour le phénomène de la scène classique Française, désormais grand habitué de La Roque, que les spectateurs brûlent d’entendre ce soir dans une œuvre d’anthologie, le cinquième concerto pour piano de Camille Saint-Saëns, dit « l’Égyptien ». L’étonnant Verbier Festival Chamber Orchestra, sous la direction passionnée de Gábor Takács-Nagy, complète l’affiche, et entre sur scène, chauffé à blanc après un surprenant cri de ralliement entendu hors scène lors de l’entrée des spectateurs, par dessus le chant des cigales indissociables du lieu.
Chauffe, Alexandre, chauffe !
Ovationné par le public dès son entrée en scène, Alexandre Kantorow salue bien bas, s’installe au piano et échange un regard complice avec Gábor Takács-Nagy. Alors, la magie opère avec les premières notes du concerto. Une entrée en matière très douce par rapport à d’autres interprétations, qui permet de bien monter en intensité par la suite, de manière posée, sans brûler d’étape, avec la très grande maîtrise qui caractérise Alexandre Kantorow. Et si le chant des cigales, qui persiste jusqu’au milieu du deuxième mouvement, peut parfois nuire à l’équilibre piano – orchestre, il accentue par ses accents de maracasse le caractère exotique de l’œuvre.
Le redoutable finale est mené d’une main de maître, à un tempo infernal, par un Kantorow survolté, et se conclut sur une ovation du public, qui obtient deux rappels. Le premier est une paraphrase d’opéra composée par Alexandre Kantorow sur le fameux air de Dalila « Mon cœur s’ouvre à ta voix » de Camille Saint-Saëns, empreinte de tendresse et de chaleur – humaine ! En deuxième rappel, les Jeux d’eau de Maurice Ravel sont joués, peut-être dans un souci de rafraîchir l’atmosphère, ou, qui sait, de faire tomber la pluie comme lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, au cours de laquelle Alexandre Kantorow a interprété cette même pièce sous une pluie battante, 10 jours plus tôt.
Gábor Takács-Nagy reprend le flambeau
Le Verbier Festival Chamber Orchestra régale le public en deuxième partie du concert avec la première symphonie de Johannes Brahms. À la direction, le Hongrois Gábor Takács-Nagy fait montre d’une énergie et une intensité impressionnantes. Déployant un geste très contrasté mais toujours tonique, tantôt immobile dans une sorte de stoïcité imperturbable, tantôt courbé comme s’il voulait porter l’orchestre à bout de bras lorsqu’un changement de caractère s’impose, il parvient à impulser une belle dynamique d’ensemble, permise aussi, bien sûr, par la grande osmose avec son orchestre dont il est le directeur musical depuis 2007. Lui et les musiciens prennent un plaisir flagrant et communicatif à interpréter cette belle symphonie, trop rarement donnée, depuis le premier mouvement bien soutenu par des solos de hautbois et les interventions ponctuelles du contrebasson, jusqu’au finale rappelant par bien des aspects l’hymne à la joie, et peut expliquer pourquoi cette œuvre fut surnommée, à sa création, la « Xe symphonie de Beethoven ».
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Devant les applaudissements chaleureux et prolongés du public, Gábor Takács-Nagy s’excuse avec humour de ne pas avoir préparé de Danse Hongroise en bis, et choisit de redonner le troisième mouvement de la symphonie, ce qui aura au moins eu le mérite de faire se retourner ceux qui étaient déjà en train de quitter les lieux, se privant de l’épilogue d’un magnifique concert.
