AccueilA la UneRave post-apocalyptique, avec La Horde et Rone au théâtre National de Bruxelles

Rave post-apocalyptique, avec La Horde et Rone au théâtre National de Bruxelles

COMPTE-RENDU : 2023 sonne comme une invitation à rejoindre le chaos primitif d’une humanité qui court à sa perte. Avec (LA) Horde et RONE, la danse s’impose comme rituel nécessaire à cette origine avant l’apocalypse de notre écologie fragile. Les ravers semblent ici rêver d’un autre monde, et les derniers cavaliers de l’apocalypse dansent avec A ROOM WITH A VIEW (fenêtre sur notre réalité).

Introduction

N’ayant pour seul décor que l’anéantissement et le vide d’un décor brutaliste, le théâtre National de Bruxelles est investi d’une énergie pulsative grâce aux danseurs du ballet National de Marseille (LA) Horde, en compagnie du créateur de musique électronique Rone. Le résultat est hybride et déroutant, puisqu’il soumet presque les spectateurs à l’expérience de la musique qui pourrait exister si l’apocalypse avait lieu et que l’homme devait revenir à l’expérience du corps, façon Proto.

Horde primitive

Face à la montée d’arts toujours plus référencés et obscurs (LA) Horde X RONE marque un arrêt et s’impose comme le retour aux sources d’un mouvement mystico-prototype. L’humain est au cœur d’un spectacle sans décor, presque dissous. L’organisme respirant et mouvant d’une respiration plus générale
La Horde semble tirer son nom du roman d’Alain Damasio, La horde du Contrevent dont l’histoire est projetée en plein territoire dystopique : Ils sont une vingtaine, ils sont jeunes et forment la horde, terreau de résistance survivaliste dans un monde balayé par les vents. Depuis l’enfance, ils sont préparés à parcourir le monde d’Ouest en Est, pour atteindre la source de tous les vents. Mouvement social contre mouvement d’un monde hostile, la danse s’impose alors comme un langage d’autodéfense dont le réalisme puise sa source dans les expressions corporelles de ravers, de noctambules désabusés.

Brutalité à l’excès au début de A ROOM WITH A VIEW

Des questions sociales aux intuitions écologiques, la pensée d’un monde post-apocalyptique invite le public bruxellois à se retourner vers la source significative de l’homme. Le rituel de la danse libératrice pensé par certains auteurs du XXème (Aby Warburg et le rituel du serpent) – qui invitait déjà à se reconnecter à l’homme primitif et païen à travers la danse – semble ici nécessaire.

Nouvelle année pour un nouveau monde

2023 est une nouvelle année où la pensée écologique s’affiche nécessaire, et où il semble primordial que l’homme se reconnecte au groupe, au rythme et à la Terre. Cette connexion semble possible en usant de notre modernité grâce à la musique électronique, purement machinale, et pourtant organique. A travers l’expérience de la musique électronique, une génération entière expérimente la dissolution à travers les percussions digitales et addictives en allant se vider de la révolte en dansant sur de la techno en club. Véritable Catharsis contemporaine, les clubs deviennent des hétérotopies-refuges d’une génération marquée par le capitalisme, l’accélérationnisme et la sur-consommation.

Les danses tribales numériques invitent à venir se connecter à l’humain d’origine, moins démuni, plus direct, plus connecté à sa nature-propre. (Impossible de ne pas faire le lien avec la découverte de l’outil dans 2001, l’Odyssée de l’Espace, et la naissance de la violence et du chaos. Si le spectacle débute sur une scène de viol d’une extrême violence (étranglement et pénétration au bord d’un précipice en béton, la tête baignant dans le vide), la victime se venge vite, provoquant l’effondrement du bâtiment brutaliste. Ce moment s’impose comme un basculement, le rejet des corps, leur souffrance et leur consommation devenant une question collective. Chacun s’allie alors aux autres, comme si Adam avait tué Eve et que l’humanité pouvait reprendre le cours de sa nouvelle vie. Cette génération est celle du renouveau, de la survie d’extase menée par un DJ Messie de L’apocalypse. Adulé des danseurs, porté en croix comme un Christ, Dj Rone est maître de cérémonie rituelle.

Transe collective, la présence des drogues semble planer au dessus des danse cathartiques, dont la répétition et la violence des mouvements ne semblent acceptables que sous emprise chimique, les corps s’emmêlent lascivement, façon ChemSex. Le résultat s’impose littéral et pénétrant, extreme pulsion de liberté, distique mais magique.

L’urgence de la sensation qui s’est imprimée auprès de cette génération post-internet donne lieu à de nouvelles hybridations des arts, invitant à un apprivoisement du chaos général. A travers cette production, un nouveau monde naît en ce premier jour de l’année 2023, s’imposant comme la nouvelle résolution d’une génération numérisée qui fait primer le naturel sur la culture à outrance.

« Nous avons pensé ce spectacle comme celui d’un difficile éveil des consciences, d’une marche forcée par la perspective écrasante de l’effondrement, et nous l’avons polarisé sur les rapports physiques que nous entretenons au groupe et à notre environnement. Une exploration des frontières et des nécessaires interdépendances de nos corps. Nous avons choisi d’incarner les mouvements souterrains, haineux comme amoureux, qui nous agitent et dont la compréhension ouvre la voie à une appréhension plus globale des inévitables luttes et conflits à venir. » Collectif La Horde : Marine Brutti, Jonathan DeBrouwer et Athur Harel.

La chorégraphie rencontre la musique pour raconter la souffrance et la légitime colère des générations actuelles qui cherchent à se fédérer pour se donner sens, dans des communautés de fête et de combat, débordées par les infinies violences du monde, qu’elles rejouent en boucle, dans leur chair, comme pour les exorciser.» 

(LA) HORDE 

Le collectif (LA) HORDE est composé initialement de trois artistes, Marine Brutti, Jonathan DeBrouwer et Athur Harel, à la direction du ballet national de Marseille. Le triumvirat travaille sur la création chorégraphique, la danse étant au cœur de leur projet. Ils développent en parallèle des pièces chorégraphiques mais aussi des films, installations vidéo et des performances. La collaboration avec de nombreux danseurs, penseurs et artistes, la diversité des disciplines donnent naissance à des projets variés, comme la fameuse publicité Burberry, absolument sublime mise en musique par Ryan Lott, de Son Lux. 

Issus de l’école des Arts décoratifs de Paris pour deux d’entre eux, l’analyse des corps et des mouvements dialoguants QUEER (non-binaire) est à la source de l’échange autour du langage du corps pour créer la danse, et ce depuis 2011

Pour les trois artistes, la vision d’un art post-moderne, post-internet est celle d’un art qui n’ignore pas son environnement conditionné par le lien actuel au Web et aux esthétiques confluantes. Dans le domaine artistique, le post-Internet signe la disparition de l’art numérique, le retour à un monde prototype, post-apocalyptique.(cette définition est offerte par Chatonsky, artiste contemporain qui cherche à jouer avec les limites de l’art numérique)
Internet, véritable extension du réel, configure notre perception à travers une forme de déterminisme. Les technologies ne sont pas simplement considérées comme les simples projections de nos désirs, elles constituent en retour sur nous-même selon une boucle incessante.

RONE et la pensée théorique

Cette guerre des imaginaire théorisée trouve sa source dans la pensée de l’écrivain Alain Damasio, qui collabore régulièrement avec Rone, puisant son inspiration dans les termes inconfortables du conflit, de la catastrophe, des mouvement sociaux et des rébellions nécessaires. Ici pas de longs discours, la danse et la musique sonnent universels et au-dessus du langage.

La danse s’impose comme maîtrise et communication, catharsis et défoulement, ensemble et solitude, meurtre et naissance d’un cycle perpétuel, à mi- chemin de la construction et de la destruction.
Du Bing Bang créateur à l’explosion qui annihile, (LA) Horde X RONE illustre la pensée d’Edgar Morin et sa complexité humaine. La danse dépasse le geste du corps pour illustrer l’intrication de la pensée solitaire ou en groupe, menée par les rythmes de Rone.

Le résultat est à la mesure de la complexité du propos. Sur scène prime la diversité des danseurs, habillés de haillons sportswear. L’égalité, la collaboration des corps et des idées forment un ensemble d’une cohérence extrême, ample et pourtant précise. L’identification du public est évidente : adolescents accompagnés de leurs parents médusés, jeunes adultes, l’énergie déborde, amenant à déconsidérer de nombreuses instances de notre société vue ici en plein effondrement.

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