DANSE A L’ÉCRAN – Kaléidoscope : c’est le titre que donne le chorégraphe Mourad Merzouki au ballet créé en 2022 et censé rejouer – en les combinant – différents extraits de ses créations passées, exécutées par la Compagnie Käfig dont il assure la direction artistique. Une sorte de pièce à programme donc, dont on peut toujours craindre l’inaccessibilité, mais qui touchera en réalité tous les amateurs de belle danse. À voir sur Culturebox jusqu’au 15/03/24.
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Kaléidoscope : késako ?
Un discours complexe et subtil, aux accents multiples ; voilà l’image que l’on se fait de ce ballet quand on entend le mot kadélio… kalédio… attendez… kaléidoscope (ouf). Le spectacle, capté lors de sa création à la Maison des Arts de Créteil, est à la hauteur de ce qu’on peut concevoir de plus ambitieux. Le spectre des inspirations musicales évolue de manière imperceptible mais absolument maîtrisée, et les gestes suivent. La langue de ce ballet semble se réinventer constamment au cours de la performance. Le décor est mobile : ce qui sert d’ornement devient abri ou cachette, et ce qui décore passe au centre de la scène. Tout change, et pourtant, des éléments demeurent : une épure indéniable dans la conception, un respect immense pour la perfection formelle. Le néophyte comme le connaisseur y trouvent donc leur compte aisément, tant les tableaux sont évocateurs et denses.
Et la danse dans cette histoire ?
Les danseuses et danseurs font preuve d’une tonicité qui a de quoi ravir. Le mouvement des corps ne se contente pas d’être dynamique et gracieux : la beauté singulière de ce ballet est bien plutôt qu’il laisse les corps s’oublier dans le mouvement (parfois jusqu’au cri), et, partant d’une inspiration initiale connue, nous emmène vers des propositions plus déconcertantes et touchantes en même temps (comme il est grisant de sentir le discours s’emballer et vriller tout à fait !). Les tableaux mêlent avec une adresse fabuleuse acrobaties en solo ou en duo, imitations de danses traditionnelles – sacrées ou non, occidentales ou non -, et fragments de chorégraphies plus classiques. Il y a même une soprane (Heather Newhouse) ! Difficile de donner une illustration plus aboutie du concept de kadélio… kalédéo… arg bon sang !
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Quand la musique est bonne
Le lien entre les discours corporel et musical est lui-même intuitif et intelligent. Disons-le : la musique est belle, agréable, sans fioritures. En une heure et dix minutes de spectacle, notre curiosité est assurément satisfaite : un tableau hip-hop revisité, une improvisation collective devant un banc, une danse au milieu d’une armée de gobelets en plastique sur un style de danse hongroise, de la danse orientale réinventée, un entraînement de boxe, et j’en passe, de peur de gâcher votre plaisir.
L’une de ces scènes au moins emportera votre suffrage, que le style et la biographie du chorégraphe vous soient familiers ou non. Le propre de tout chef-d’œuvre n’est-il pas de pouvoir toucher tous les types de spectateur ? Ici, ce qui compte, c’est bien avant tout l’expérience provoquée par l’accumulation d’impressions esthétiques – en somme, l’expérience du kaléidoscope (Yes ! Du premier coup !).