AccueilA la UneLes affinités électives du Quatuor Béla et du compositeur György Ligeti

Les affinités électives du Quatuor Béla et du compositeur György Ligeti

COMPTE-RENDU – Dans l’Amphithéâtre de la Cité de la musique (Philharmonie de Paris), le quatuor Béla interprétait, le 04 mars dernier, les quatuors à cordes n°1 et 2 de György Ligeti, ainsi que le 1e de Conlon Nancarrow, élève de Ligeti. Une belle filiation esthétique entre les œuvres et leurs interprètes d’un soir.

Le quatuor Béla, familier de Ligeti

En 2013, il y a dix ans, le Quatuor Béla frappait les esprits en gravant au disque, pour le label Aeon, les quatuors à cordes de Gÿorgy Ligeti : on y retrouve une virtuosité à couper le souffle et un talent à rendre l’humour du compositeur hongrois, ayant fuit le communisme en 1958. En les interprétant à nouveau dans le cadre de ce concert à la Cité de la musique, le quatuor a montré, une fois de plus, sa grande maîtrise de ce répertoire.

Le 1e quatuor du compositeur hongrois, écrit en 1953/54, alors qu’il était encore à Budapest, est entièrement bâti sur une formule musicale redevable à Béla Bartok : deux secondes majeures ascendantes reliées par un demi-ton descendant, c’est-à-dire, selon le compositeur lui-même, « un intervalle diatonique en conflit avec un intervalle chromatique ». Et il continue : « mon 1er quatuor se déploie comme une suite de variations de caractère, sans thème propre. Aux points de vue harmonique et mélodique, ce morceau repose sur un chromatisme total. » On est donc dans un tout chromatique, où la construction harmonique se dilue au profit d’impressions musicales intangibles et fuyantes, comme voilées, sur fond d’harmoniques dont on cherche en vain la pulsation.

Le Quatuor Bela : quatre garçon dans le vent © NoMadMusic
Du divertissement de cour au laboratoire de formes

Il convient de glisser ici que le quatuor à cordes a une histoire singulière : au départ divertissement de cour, il devient ensuite laboratoire de formes, tout en gardant l’Europe centrale et la ville de Vienne comme point d’attache. Joseph Haydn, dans la 2e moitié du 18e siècle, lui donne ses lettres de noblesse. Puis Beethoven prolonge le geste, avec des princes mécènes qui, visiblement, ne rechignaient pas devant l’audace et l’innovation, apportées par le biais intimiste du quatuor à cordes. De format très pratique, il entre sans peine dans votre salon. Très égalitaire, il invite le compositeur à l’équipollence des quatre voix classées de haut en bas sur le papier selon leur registre. C’est cette longue tradition viennoise qu’a avant tout prolongé Ligeti. On n’oubliera pas que, outre Beethoven, Schubert, Schumann, Brahms, Schönberg, Berg et Webern en firent eux aussi un terrain d’expérimentation.

Nancarrow en sandwich

Quant au 1e Quatuor à cordes du compositeur américain Conlon Nancarrow, il reprend, pour des interprètes en chair et en os, ses lubies contrapuntiques développées pour des pianos mécaniques, rendant cette partition d’une prodigieuse difficulté. Soutenu de son vivant par Ligeti, c’était plutôt pertinent de glisser son 1er Quatuor en sandwich entre les deux de Ligeti, même si la musique est d’un niveau en-deçà.

Le 2e de Ligeti, prolongement du 4e Bartok, selon Nancarrow

Composé en 1968, quinze après son 1e, le 2e quatuor à cordes de Ligeti a un contexte tout différent. Créé le 14 décembre 1969 à la radio de Baden-Baden par le Quatuor LaSalle, il est l’oeuvre d’un compositeur ayant rejoint l’Allemagne de l’Ouest. Dans sa musique, il façonne « différents types de mouvement à partir de faisceaux de voix polyphoniques », selon les dires du compositeur. Il débute sur un battement de deux notes joué par tous les membres du quatuor, mais chacun à une vitesse différente. Cette musique, de texture fluide et légère, se déroule dans un climat quasi constant de douceur, avant de disparaître soudainement, « comme dans le néant ». C’est une musique très écrite, sur base de micro-polyphonies, composée au sens propre du terme, alliant la rigueur de construction et une rythmicité implacable qui ne sont pas sans rappeler les propriétés si fascinantes de la langue hongroise.

L’Amphithéâtre de la Cité de la musique, plein à craquer, se révèle décidément très adapté à ce type de concerts.

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