CONCERT – Le Grand Théâtre de Provence accueille, pour le spectacle vivant, le duo chambriste entre des solistes d’exception, Renaud Capuçon et Kit Armstrong, dont l’enregistrement au disque implique une complicité construite au long cours.
Passé re-composé
Le geste de programmation est essentiel dans un événement qui veut faire collection, en répartissant en quatre concerts, du 29 septembre au 1er octobre, à Aix-en-Provence, les 16 sonates pour violon les plus abouties de Mozart. De fait, les solistes ont fait le choix de partir de la Sonate en Ut majeur, K.296, soit la numéro 17, sur les 42 opus signés par le compositeur.
L’ordre subtil qui fait se succéder, souvent par pair, les pièces du corpus, relève d’un agencement voulu, pensé et mesuré, qui exprime le lien formel et expressif dont les deux artistes veulent rendre témoignage. Parentés et évolutions de style sont appréhendées depuis un regard d’interprètes, soumettant à l’épreuve de l’écoute, la cohérence et la grâce de l’œuvre. Une fine cartographie est tracée, qui peut s’autoriser des sauts chronologiques comme des retours en arrière, pour rendre cette intégrale encore plus vivante et intelligible.
Quelques pièces-phare émergent de ce continuum, témoignant des influences, des humeurs et des recherches du compositeur : la Sonate K 303 pour ses variations de timbre comme autant de voix d’un opéra bouffe ; la grâce mélodique de la K 304 ; la curiosité d’une œuvre virtuose écrite pour un violoniste « débutant » avec la K 547 ; l’esprit du concerto avec la K 378 ; celui du Sturm und Drang de la K 305 ; le travail du motif de la K 306 ; la plainte expressive de la K 377 ; enfin le lyrisme véhément de la K 481.
Sur la forme : un esprit sain
Le travail mutuel des deux solistes consiste, avec un naturel que seul un travail attentif et long peut produire, à rendre perceptible ce que représente pour Mozart, le genre intime de la sonate en duo : un laboratoire de la forme. Une des dimensions principales que les interprètes s’emploient à restituer, admirablement, est cette forme sonate, approchée, expérimentée, travaillée par le dialogue égalitaire entre le violon et le piano. La relation soliste/accompagnant appartient au passé, et c’est l’échange cohérent entre les deux protagonistes qui commande désormais l’écriture.
Renaud Capuçon parvient, de manière saisissante, à jouer devant ou derrière la partie de piano – sans bien sûr changer de place…- en ajustant le timbre de son instrument à la fonction de sa partie, tandis que le pianiste, à ce moment-là, tend son oreille droite en direction de son partenaire.
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L’extrême précision et la synchronicité sont visées par les deux artistes, de manière à faire chantourner avec délice les séquences propres à la forme sonate : Allegros, Menuets ou Thème et Variations. Car si Mozart ne s’interdit rien, il revient aux deux musiciens de restituer la discipline et la liberté avec laquelle le compositeur expérimente.
Dans le fond : un coeur plein
En synergie avec la communication formelle, l’expression parle directement au cœur des artistes et des auditeurs. Pianiste et violoniste déploient un art du phrasé, de l’accentuation, plus italienne qu’allemande, à l’échelle de petites formules, comme de thématiques amplement développées. Les chromatismes sont soulignés par l’un et l’autre avec élégance et ferveur le violon du côté de la lumière, le piano de la profondeur.
Les symétries et les questions et réponses deviennent couleurs, accents, discours, les deux interprètes s’employant à construire une palette richement colorée. Plainte, joie, humour et méditation constituent le climat de ce répertoire, sa « météo » émotionnelle, ses hauts et ses bas que les interprètent explorent avec un engagement non seulement audible mais également visible et palpable, tout en creusant, pour l’auditeur, le sillon essentiel de la tonalité.
Demandez le programme !
W.A. Mozart : Intégrale des sonates pour violon et piano
Concert 1 :
Sonate pour violon n° 18 en sol majeur, K 301
Sonate pour violon n° 19 en mi B majeur, K 302
Sonate pour violon n° 17 en do majeur, K 296
Sonate pour violon n° 32 en si b majeur, K 454
Concert 2 :
Sonate pour violon n° 20 en do majeur, K 303
Sonate pour violon n° 21 en mi mineur, K 304
Sonate pour violon n° 36 en fa majeur, K 547
Sonate pour violon n° 26 en si b majeur, K 378
Concert 3 :
Sonate pour violon n° 22 en la majeur, K 305
Sonate pour violon n° 23 en ré majeur, K 306
Sonate pour violon n° 25 en fa majeur, K 377
Sonate pour violon n° 33 en mi b majeur, K 481
Concert 4 :
Sonate pour violon n° 24 en fa majeur, K 376
Sonate pour violon n° 28 en mi b majeur, K 380
Sonate pour violon n° 27 en sol majeur, K 379
Sonate pour violon n° 35 en la majeur, K 526