DANSE – Depuis sa création en novembre 2021, Somnole, le solo de Boris Charmatz, n’en finit plus de tourner ! Une trentaine de dates plus tard, on le retrouve à Rome au Teatro Argentina, dans le cadre du festival Roma Europa avant qu’il poursuive sa route vers New York, la Rochelle et évidemment Paris. Retour sur ce solo qui révèle le chorégraphe sous un autre jour.
Boris Charmatz : danseur, chorégraphe et directeur
Il commence sa carrière comme danseur après des études à l’école de danse de l’Opéra de Paris puis au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon. Il débute la chorégraphie avec son acolyte Dimitri Chamblas, dont la pièce la plus connue est sûrement À bras le corps. En tant que directeur, il a été à la tête du Centre chorégraphique national de Rennes avant d’être nommé en 2022 à la direction du Tanztheater Wuppertal, compagnie originelle de Pina Bausch. Il est connu pour ses projets expérimentaux. Son musée de la danse permet de penser le rapport entre le public, l’art et l’espace. En 2015, la pièce 20 danseurs pour le XXe siècle propose des solos dans les espaces publics du Palais Garnier.
Pourquoi Somnole ?
Boris Charmatz affirme que c’est ce laps de temps juste avant l’endormissement qui est le plus propice à la création. Le solo créé pendant le confinement reprend donc cette énergie flottante. Le danseur passe par différents stades. Il alterne entre yeux fermés, agitation soudaine, peur de lui-même…
Au début, le public est un peu perturbé par l’absence de bande son qui laisse entendre chaque toussotement, chaque passage du stylo sur le carnet. Mais très vite tout le monde se détend et les rires se déploient. Et quand, en sifflotant, Boris Charmatz quitte la scène, les spectateurs sortent de leur bulle pour acclamer l’artiste.
Boris Charmatz marche au sifflet !
Tout au long du solo d’une cinquantaine de minutes, la seule musique provient de Boris Charmatz lui-même. Son sifflement est un véritable instrument de musique, parfois remplacé par des bruits d’animaux ou des percussions corporelles.
Danseur ou musicien, pourquoi choisir ?
Il est un siffleur impressionnant par sa puissance et sa gestion de l’essoufflement, car il ne s’arrête pas pour autant de danser. La coordination est parfaite entre ses sifflements et ses mouvements. Sa chorégraphie est riche : il marche les bras en l’air, il court, il rampe, quand il n’exécute pas d’autres pas bien plus impressionnants pour un danseur tout juste cinquantenaire. Son poirier permet à ses jambes de faire le spectacle : ses pieds applaudissent ! Mais on retrouve aussi son âme d’enfant dans la marche en sautillant ou lorsqu’il se dégonfle comme un ballon.
Mise à nu
La scène est nue : plus de coulisse, plus de rideau de fond de scène. Mais le travail de lumière habille l’ensemble. Une lumière verdâtre succède à la pénombre, parfois c’est un unique projecteur puissant qui suit le danseur ou se balade dans le public.
Le danseur torse nu, simplement vêtu d’une jupe en patchwork semble assez loin pour un solo, surtout quand on a déjà vu d’autres de ses propositions. Pour À bras le corps, créé et dansé avec Dimitri Chamblas, les deux danseurs sont au centre de la petite scène et le public est assis tout autour. Ici, la grande scène et la grande salle du Teatro Argentina semblent trop classiques pour ces expérimentations. Mais Boris Charmatz finit par briser ce quatrième mur lorsqu’il descend de la scène pour venir toucher les spectateurs du premier rang, jusqu’à ce qu’une femme se lève pour danser avec lui. Malgré la sueur du danseur, on rêve tous d’être à sa place…