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Le deuil en deux étapes, par l’Orchestre de Chambre de Paris

CONCERT – Mercredi 29 novembre, l’Orchestre de Chambre de Paris, sous la direction de l’excellente violoniste Antje Weithaas, a interprété un répertoire empli de charme et de douleur. Sobrement intitulé « Requiem profanes », le programme nous a fait voyager de la Symphonie n°44 (dite symphonie « Funèbre ») de Haydn au Concerto funèbre de Karl Amadeus Hartmann. Placé sous le signe du deuil, l’itinéraire nous a irrésistiblement conduits des larmes au sourire, jusqu’à la première Sérénade de Brahms (op.11), œuvre de jeunesse légère et bucolique.

Ce soir, l’Orchestre de Chambre de Paris avait décidé de nous faire pleurer. Toute la première partie du concert, second volet d’un diptyque entamé la semaine dernière avec quelques brillantes pages de Fauré, Mozart et Beethoven, avait en effet été placée sous le signe de la tristesse et du deuil : Symphonie funèbre de Haydn, Concerto funèbre de Hartmann, deux œuvres écrites à plusieurs siècles d’intervalle et qui toutes deux fascinent, chacune à leur manière, leur auditeur.

Antje Weithaas a relevé le défi de jouer de son instrument tout en dirigeant l’orchestre, ce qui est toujours une gageure. La précision de la direction a été particulièrement remarquable, autant que la synergie qui semblait régner entre les musiciens.

Antje Weithaas © Kaupo Kikkas
Auto-épitaphe

Car c’était un spectacle à la fois musical et visuel : il fallait admirer les musiciens, debout sur la scène du théâtre pendant toute la durée du concert, vibrer aux accents de leur musique. Il fallait voir ce ballet d’archets au premier rang, rythmé par les déploiements de la forme sonate chez Haydn et par les dissonances agressives et saisissantes du concerto de Hartmann. On pouvait sentir la parfaite osmose de l’orchestre.

Dans la Symphonie funèbre (qui porte cette sombre épithète parce qu’Haydn avait souhaité, dit-on, que l’on en jouât l’Adagio lors de ses funérailles), tout est intensité, parfois presque violence, traversé de brèves éclaircies. On oscille entre écueils menaçants et troublantes tensions : émotions exacerbées, dans un classicisme de la forme qui tend vers un romantisme du fond.

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Les sanglots longs…

Avec Hartmann, à rebours de ce « Concerto funèbre » dans lequel la violoniste-directrice a tenu le premier rôle, plus aucune éclaircie ne semble possible. La partition, composée en 1939, quelques mois après l’invasion de la Tchécoslovaquie par la Wehrmacht, est extrêmement moderne, tonale, et peut surprendre à bien des moments. Les coups des archets se transforment en cris plaintifs dans les aigus, la violence émerge à chaque recoin, dans une orchestration désarticulée et en l’absence de toute tonalité rassurante. On y perçoit les inflexions de la grande Histoire, ses sanglots, ses alarmes, ses plaintes.

La difficulté d’exécution du concerto de Hartmann, après la non moins facile symphonie n°44, en dit beaucoup sur la prouesse des musiciens, chez qui pas un instant n’a transparu le trouble qui, pourtant, emplissait cette musique.

Renaissance

La première Sérénade de Brahms, après l’entracte, sonnait comme une renaissance : après les accents plaintifs des harmonies de Hartmann, l’orchestration délicieuse qui fait en six mouvements la part belle aux bois et aux cuivres (quatre cors !), semblait illustrer le réveil des ramées printanières après les meurtrissures d’un gel hivernal. C’est à la fois délicieux, lyrique, sensible, exalté, dansant, mystérieux, intense, tantôt bucolique, tantôt souriant, tantôt pastoral, tantôt chantonnant… En un mot, « appassionato ma non troppo » : un Brahms radieux avant les déploiements orchestraux des quatre symphonies, aux accents passionnément romantiques. Dans cette œuvre de jeunesse, Brahms s’amuse à surprendre. Au début du Menuetto (quatrième mouvement), il laisse tout l’orchestre de côté pour ne faire chanter qu’un trio constitué de deux clarinettes et d’un basson, au détour d’un thème sautillant, énigmatique, et surtout rêveur. Avec le Rondo final, il redonne la main aux cordes dans un thème enlevé et plein d’énergie, ponctué par les percussions et les cors, qui nous conduit avec brio jusqu’à la cadence, alternant lyrisme et rythmes populaires.

Une fois de plus, la direction était irréprochable, précise et nuancée. La qualité de cette très belle soirée doit autant à la présence captivante et enthousiasmante d’Antje Weithaas, qu’au talent des musiciens de l’Orchestre de Chambre de Paris. Mention spéciale aux deux admirables violoncellistes solo, placés au centre de la scène (immanquables !), dont l’habileté, tout particulièrement dans le Haydn et le Hartmann, a été réellement remarquable !

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