BLOCKBUSTER – L’artiste plasticienne Miet Warlop présente, au Théâtre National de Bruxelles, le quatrième chapitre de la série produite par NTGent ‘Histoire(s) du Théâtre’, à travers One Song.
Glorifiée par le New York Times comme l’une des meilleures représentations de l’année 2023, One Song finit sa tournée de 60 représentation dans 23 villes, devant un public belge médusé. Un blockbuster qui s’est vu attribuer le Prix de la Critique en France et a été élu meilleure performance de la saison aux Pays-Bas.
Wie zingt er (qui chante ici) ?
On avait pu assister l’année dernière à la représentation de Ghost Writer and the Broken Hand Break de la chorégraphe belge. Univers des plus austères, le dispositif de Miet Warlop reposait alors sur trois performeurs / derviche-tourneurs pop. La chorégraphe revient ici avec une équipe au complet et remontée à bloc.
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Gladiateurs et cavaliers de l’Apocalypse, douze danseurs pénètrent dans l’arène sportive pour un rituel d’épuisement autour des pulsions de vie, de mort, de résurrection et d’abandon absolu. Véritable Battle Royale en musique sous stéroïde, le dernier spectacle de Miet Warlop aborde la transe collective, l’échec et le match survivaliste de notre existence, en une heure de temps.
Allégorie de la condition humaine et de l’inexorable répétition de nos erreurs, One Song scande la souffrance du mythe de Sisyphe dans un univers scolaire mortel à la Columbine : Bancs de match, fanions colorés, PomPom Boy et cris généralisés : La vie est un ring où personne ne gagne, les énergies s’épuisant jusqu’au silence de fin.
Run for your life, ‘Till you die, ‘Till you die , ‘Till we’ll all die !
Extrait du spectacle
Pas d’arme ici. Ce ne sont pas des fusils qui accessoirisent les danseurs mais une batterie d’instruments qui façonne l’unique leitmotiv musical de l’opus. Imaginez la folie d’une seule musique répétée à l’infinie, joué par des athlètes sous anabolisants au bord de l’aliénation.
Chez Miet Warlop, les danseurs sont musiciens mais assument également le rôle d’athlètes accomplis. Tenu à la baguette par un métronome infernal, chaque danseur tire sur ses réserves afin d’arriver au bout de la performance. Cette dernière requiert certes un maitrise de la tête et du cœur mais surtout du corps, sur lequel tout repose : violoniste en équilibre sur une poutre de gymnastique, contrebasse posée au sol écrasant son interprète, clavier perché au dessus d’un tremplin, batterie aux caisses disséminés sur scène, micro sur tapis roulant… La coordination entre les danseurs est ici conditionnée par la parfaite symbiose et un calibrage mathématique. Combien de fois a-t-il fallu répéter ?
Entre blague et rêve absurde, un monde s’active sous les yeux ahuris du public, non sans rappeler l’absurde et inventif humour japonais de Kasou Taishou et du concours sportif défiant les loi de la gravité.
Until the end
Face à l’absurdité d’un monde qui se veut moderne, où le confort est partout, Miet Warlop rappelle les bases. Combattre le mal par le mal, contrat superlatif contre l’ubuesque. C’est avec les armes de l’absurde que cette production s’impose.
Rien ne semble donné ici, tout est à prendre. Il faut terminer le spectacle, aller au bout par amour du bruit, du jeu et de l’accomplissement survivaliste. Bien confortablement installé, le public est renvoyé à sa propre passivité, infernale.
Wie trekt aan de touwtjes? (Qui tire les ficelles ?)
Miet Warlop, née en 1978 à Torhout et établie entre Gand et Bruxelles, est une artiste multidisciplinaire diplômée d’unmaster en arts visuels du KASK de Gand. Ses réalisations s’étendent à diverses performances (solitaire ou en groupe), actions ou projets. En 2005, elle a donné vie à SPORTBAND / Afgetrained Klanken, une performance dynamique de quarante minutes impliquant vingt individus évoluant dans la musique et le sport, travaillant contre la montre. Signature de son travail, le rapport à l’épuisement est toujours au coeur de sa pratique.
Obsession à domicile
One Song a été créé dans l’optique d’être partagé au delà de la scène, puisque son écoute est possible sur vinyle mais également sur les plateformes. L’objectif pour Miet Warlop est d’ancrer cette mélodie dans les esprits en la répétant inlassablement. Un jour, qu’il soit proche ou lointain, le désir de ressentir la solitude pourrait s’éteindre. Il s’agit de prévenir le chagrin, la douleur et les remords que chacun connaît.
Jour après jour, nous chantons cette chanson et apprenons à incarner ces sentiments sans perdre cette passion dévorante, tourbillonnante et palpitante pour la vie qui rend tout cela précieux.
Miet Warlop
Pari réussi pour One Song qui aura charmé le public jusqu’à l’ovation debout. Pari réussi pour Miet Warlop dont on peut confirmer que la musique colle à la tête jusqu’aux jours suivants. Croyez-nous…