CONCERT – Quel régal nous ont offert Gil Shaham avec son Stradivarius « Comtesse Polignac » et Trevor Pinnock à la direction de l’Orchestre national de France, jeudi 7 au soir, au Théâtre des Champs Élysées ! La virtuosité imparable et classique du violoniste dans le Concerto pour violon de Beethoven n’avait probablement d’égale que la maestria qu’illustre cette pièce redoutable : à chaque mouvement, il a émerveillé son public par sa maîtrise technique, irréprochable et… résolument classique.
Le meilleur ami de Gil Shaham : Beethoven…
Le Concerto pour violon de Beethoven (en ré majeur, op.61), c’est un inépuisable moment de grâce et de clarté, déclinant en trois mouvements (un allegro, un larghetto et un rondo) la pureté d’un style majestueux, résolu et classique.
Pour l’interpréter, Gil Shaham ne manquait pas de références : il a étudié avec les plus grands maîtres et joué avec les plus prestigieux orchestres un florilège choisi de chefs-d’œuvre. À cela s’ajoute un smoking impeccablement taillé, un avenant modeste et souriant, un visage empli d’expressions intenses dont chaque mouvement traduit fiévreusement le souci d’une justesse dans l’interprétation et d’une finesse dans la technique. Toute sa présence sur la scène est comme inspirée par le classicisme de ce superbe concerto, foisonnant d’un caractère éclatant et d’une ardeur à l’envi. La complicité qu’il entretient avec le chef d’orchestre, avec la première violon qu’il consulte du regard au début de chaque phrase, avec les cuivres et le reste des vents, est contagieuse. Ce n’est pas un solo, ce n’est pas un concerto, c’est un pas de danse à trois temps !
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Faut-il en dire plus ? Les applaudissements en disent assez. L’allegro fut brillant, et, à la mesure de son épithète, « ma non troppo » : enthousiaste mais attentif ; passionné mais précis ; vivace mais jamais agressif, comme peuvent pourtant l’être certaines pages des derniers quatuors du compositeur de l’Héroïque. Le larghetto vous laisse songeur comme au sortir d’un rêve tendre et recueilli ; il captive. Le rondo, « allegro » lui aussi, est joyeux à souhait, et cet entrain chaleureux se lit sur le visage éloquent et démonstratif du violoniste, qui, accélérant à souhait le tempo dans les cadences, nous maintient haletants jusqu’à leur conclusion, acmé de virtuosité beethovénienne.
…et son meilleur ami : Schubert
Après le Concerto pour violon de Beethoven, l’Orchestre national de France nous avais réservé la symphonie n°9 en ut majeur de Schubert, dite « La Grande ». Cette œuvre porte bien son épithète : de la grandeur, elle possède tous les attributs, par la taille, l’ampleur, l’orchestration ou la puissance qui la caractérisent. Comme Beethoven avait la sienne, Schubert a écrit sa « Neuvième » : une symphonie presque impressionniste, peuplée de motifs mélancoliques et contemplatifs, fondée sur une structure cyclique de développement et de retour du même. Nous sommes loin de la puissance triomphale des cadences beethovéniennes, joyeuses et jouissives à l’excès ; plus sombre, Schubert nous fait entrer dans un univers tamisé. L’éclat solaire du concerto cède le pas devant une lumière plus diffuse, plus voilée, plus douce : c’est un rayon, qui navigue comme au gré des métamorphoses de la palette orchestrale.
À la tête de l’Orchestre national de France, Trevor Pinnock en a livré une interprétation particulièrement sensible, subtile et délicate (alors que la partition ne se prête peut-être pas toujours à la délicatesse). La direction est précise et rigoureuse : économe, le chef ne fait pas un geste de trop. Il a indéniablement su rendre la profondeur de cette œuvre complexe – et magnifique.