AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - InstrumentalGala Schœnberg : un tableau noir en fil rouge

Gala Schœnberg : un tableau noir en fil rouge

CONCERT – Dans ce « Transfiguré. Douze vies de Schönberg » présenté trois soirs de suite à la Philharmonie de Paris, le réalisateur, et ici metteur en scène, Bertrand Bonello et son équipe ont souhaité rendre justice à l’immense créateur dont on fête cette année le 150e anniversaire. De somptueux moyens pour un résultat artistique qui n’est pas sans défaut, mais tout de même à la hauteur de l’enjeu pédagogique et émotionnel qu’il s’est fixé.

Ne soyons pas si puristes… 

Né dans l’Empire austro-hongrois, ce compositeur injustement qualifié par Jean Cocteau de « musicien tableau noir », d’abord formé à l’école brahmsienne et wagnérienne, revendiqua le passage à l’atonalité, puis la paternité d’une « méthode de composition avec douze sons » qu’il importa aux États-Unis : sa patrie d’origine l’avait banni en raison de ses origines juives (pourquoi alors avoir privilégié l’orthographe de son nom à l’allemande quand le compositeur lui-même avait opté pour une graphie à l’américaine ?). La salle Pierre Boulez est aménagée pour l’occasion en théâtre avec fosse d’orchestre et rideau transparent en fond de scène destiné à accueillir des projections – une véritable « soirée de gala » avec sons amplifiés et enchaînement d’extraits. Dans ce Schoenberg « a work and a life in a shortcut »,seules les brèves séries de pièces pour piano de l’opus 11 et de l’opus 19 sont jouées en entier. 

© Mathias Benguigui
Art total, artothèque 

Des diverses interprétations que nous servait un cast de haute volée (chœur et orchestre de Paris sous la direction d’Ariane Matiakh, David Kadouch au piano, la soprano Sarah Aristidou, les comédiens Julia Faure et Adrien Dantou), nous devons dire qu’elles avaient parfois le défaut de l’ensemble de la soirée : celui de ne pas nous laisser respirer, ne pas prendre le temps d’apprécier les choses dans leur profondeur. Un exemple frappant : à l’énigmatique dernière pièce de l’op. 19 pour piano, où silences et résonances sont si précieux, succédait très abruptement le contenu audio et vidéo qui fait le sel de ce spectacle, entre extraits de films, d’interviews, projections d’autoportraits de Schoenberg (auteur d’une œuvre picturale complémentaire de son activité musicale), photographies de sculptures…

À lire également : Schönberg, après les huîtres du Réveillon, les perles du demi-ton !
© Mathias Benguigui
Freud-donne, et reprend…
© Mathias Benguigui

Les « numéros » se suivaient néanmoins de manière fort probante. Si chez Schoenberg il y a grosso modo trois périodes (tonale, atonale libre, puis « dodécaphonique », c’est-à-dire celle d’une atonalité régie par la série de douze sons), on assistait aussi à la superposition des destins de femmes : celle du magnifique poème de Richard Dehmel ayant inspiré le sextuor devenu œuvre pour orchestre à cordes La Nuit transfigurée, celle du monodrame Erwartung dans son parcours macabre et halluciné, celle de l’interprète de Pierrot Lunaire, œuvre écrite pour une diseuse de cabaret. Bertrand Bonello a très intelligemment placé en résonance les témoignages de rêves sous le IIIe Reich recueillis par Charlotte Beradt. Après, entre autres, des extraits du tardif et trop peu joué Concerto pour piano, de la Suite pour piano, op. 25 (celle du passage au dodécaphonisme), on terminait en beauté par le Kol Nidre, op. 39 pour chœur et orchestre, émouvant témoignage de la teneur spirituel du dernier Schoenberg. 

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