CONCERT – Seule femme lauréate, après Martha Argerich, du Concours Chopin, Yulianna Avdeeva impose avec panache le Concerto pour piano n°2 à la Camerata Salzburg, sous la co-direction de son premier violon, Giovanni Guzzo.
La valse a mis le temps
Le programme de la soirée gravite autour de la ville de Vienne, ville-musique aux écoles fondatrices. Le répertoire de la Camerata Salzburg, habituée à l’intensité musicale de sa ville, l’autre capitale de la musique autrichienne, est le classicisme viennois : la première école de Vienne (Haydn, Mozart, Beethoven). Il prend sa source dans le style galant d’un premier Mozart et s’étire jusqu’au romantisme d’un premier Chopin, en passant par celui d’un premier Schubert, élève de Salieri. Et juste comme ça vous avez le programme de la soirée… La Camerata Salzbourg est constituée d’autant de solistes qu’il y a de membres, rompus à l’écoute mutuelle et réciproque. Il y a dans cet orchestre de poche tout le devenir de la symphonie, comme en cocon. D’où l’idée d’ouverture, qui préside aux deux parties du concert : l’une de Mozart, l’autre de son collègue Salieri, formes pleines de promesses d’un vaste développement à venir. La première annonce le Concerto pour piano n°2 en fa mineur de Chopin, dans un lien assez peu évident. La seconde en revanche a une filiation plus étroite, avec la Symphonie n°3 en ré majeur de Schubert, qui encore élève de Salieri, s’en tient à la forme concise et à l’esprit civil et policé du classicisme viennois.
En direct du piano
La pianiste russe, Yulianna Avdeeva, dans l’aura du concours Chopin de Varsovie remporté en 2010, imprime son énergie crépitante à celle de la Camerata. Sous l’archet du chef-violoniste, elle prend en main non seulement le clavier mais également l’orchestre. Ses gestes et ses regards sont à la croisée de la direction et de l’interprétation, en miroir du premier violon. Les mains sont impeccablement rondes, à l’extrémité de bras de ballerine, d’un dos toujours droit et d’une jambe gauche faisant office de balancier. Depuis le poste de garde du tabouret de piano, tout dans son jeu relève de l’intensité : pâte profonde de la sonorité, conduite du phrasé, thématisme clairement ciselé, virtuosité des grands jours. Son regard fixe l’instrumentiste avec lequel elle dialogue directement, notamment le basson, sans la médiation du chef, placé dans son dos. Le toucher, à la croisée du perlé de Mozart et de l’onctuosité de Brahms, met l’accent sur les dynamiques, du pianissimo au fortissimo. Ce jeu mosaïque, solaire et ardent semble destiné à clarifier les carrures – souvent carrées – des traits de Chopin, et à donner un cadre solidement audible aux instrumentistes les moins à sa vue, derrière le paravent du grand piano de concert.
Un violon à la baguette
Depuis sa place, le chef vénézuélien Giovanni Guzzo n’a pas de baguette : il a l’archet de son violon Gennaro Gagliano de 1759. Seul un tabouret de piano le distingue des autres musiciens de l’ensemble, siège sur lequel il peut rebondir, pour transmettre à son orchestre toute l’énergie irrésistiblement communicative dont il est habité. Son archet fait de grands gestes, aériens ou terriens. Son sourire appelle l’expressivité de la petite harmonie, tandis que son regard provoque la détermination des cuivres et ses battements de cils la précision des timbales. Le quatuor est suspendu au rythme de ses respirations, amples ou haletantes, selon le tempo.
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La sonorité d’ensemble résulte de l’engagement de chaque musicien, au service d’une musique au classicisme triomphant, affirmé et bien sonnant, à l’unisson des applaudissements du public !
Demandez le programme !
- W.A. Mozart – La Clemenza di Tito, KV 621, ouverture
- F. Chopin – Concerto pour piano n°2 en fa mineur, op. 21
- A. Salieri – La grotta di Trofonio, ouverture
- F. Schubert – Symphonie n°3 en ré majeur, D. 200
