CONCERT – Martha Argerich et Dong Hyek Lim, invités dans le cadre de la saison des Grands Interprètes donnent à la Halle aux Grains de Toulouse un concert de piano(s) en duo.
Martha Argerich est au piano classique ce que Beyoncé est au R’n’B : LA star incontournable. Une des clefs de l’ampleur et de la longévité du succès de la pop star repose dans ses nombreuses collaborations avec ses plus éminents confrères. C’est exactement la même recette que suit Martha Argerich, qui n’a jamais craint d’être comparée à des musiciens aussi grands qu’elle (Daniel Baremboim, Itzhak Perlman, Nelson Freire…). Elle forme pour la soirée un binôme avec Dong Hyek Lim, de plus de quarante ans son cadet. Comme pour tout bon concert de Beyoncé, la salle est remplie, ce qui n’est pas si fréquent pour les concerts de pianistes (fussent-ils fameux) à la Halle aux Grains. Le public vibre déjà et n’a que son nom à la bouche dans les minutes qui précèdent son entrée.
Argerich et Hyek Lim : Crazy in piano
Dong Hyek Lim et Martha arrivent ensemble main dans la main et une impression de tendresse filiale se dégage déjà de leur duo avant même qu’ils ne commencent à jouer. Il en sera de même pour l’ensemble de leurs déplacements durant lesquels ils se murmurent même parfois quelques mots. Leur entrée se fait sous les applaudissements d’un public conquis d’avance. Ils jouent d’abord à quatre mains sur le même piano pour la Fantaisie en fa majeur de Schubert. Dong Hyek Lim est alors placé du côté des aigus et Martha Argerich du côté des graves. C’est aussi elle qui assure le travail aux pédales. Ils se séparent pour rejoindre chacun leur piano lors de la suite n°2 pour deux pianos de Rachmaninov. Pour faire profiter visuellement tout le monde du jeu de chacun, ils échangent de piano après l’entracte pour l’arrangement à deux pianos des Danses symphoniques du même compositeur. Le duo est complémentaire : le jeu de Hyek Lim est plus tonique, plus prompt et plus incisif mais aussi plus froid, quand celui d’Argerich apparait plus doux, plus sensible, mais moins net. Aux deux va une technique infaillible : même dans les passages les plus effrénés, la coordination est efficace. Martha Argerich tisse dans la Fantaisie de Schubert la toile de fond sur laquelle se pose les accentuations de Hyek Lim, mais il se rejoignent dans les contrastes et les crescendos, faisant bien ressortir la noirceur de certaines ambiances.
Rachmaninov au top du billboard
La suite n°2 de Rachmaninov c’est un peu à Argerich ce que Halo est à Beyoncé : un tube. Elle l’a déjà enregistré avec au moins trois pianistes différents (Alexandre Rabinovitch-Barakovsky, Nelson Freire et Gabriela Montero). L’interprétation de ce soir, variant les ambiances et créant du contraste entre les mouvements contient tout ce qui fait la saveur d’es concerts d’un show complet, à savoir ce savant mélange qui alterne avec des transitions bien amenées, haute virtuosité, rythmes entrainants et moments d’intimité partagée avec le public. Les particularités du jeu de chacun des pianistes, un peu plus effacés dans la suite n°2 où la fusion est totale, réapparaissent dans les Danses symphoniques. La douceur feutrée de l’entrée est contrebalancée par l’intensification rapide du son les mesures suivantes. Le motif principal du premier mouvement est joué avec vigueur et s’installe dans la tête de l’auditeur, comme un tube inoubliable. Les nombreuses transitions structurant les passages variés de ce morceau composite sont exécutées avec fluidité. Les pages de l’œuvre de Rachmaninov reprises dans le morceau sont ainsi tournées avec facilité et par moment une certaine solennité.
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Le public largement debout à la fin du concert applaudit chaudement. Les deux pianistes reviennent saluer plusieurs fois, toujours en se tenant la main. Ils donnent deux rappels. Comme au Stadium, le public aura eu droit à une soirée complète avec son idole….