DISQUE – L’énigme, c’est le maître mot du nouvel album de la soprano franco-grecque Sarah Aristidou ; au programme, Lied, mélodie française et pièces contemporaines sur le thème de la vie et du mystère… Elle est accompagnée de Daniel Arkadij Gerzenberg au piano et de Jörg Widmann à la clarinette, eux-mêmes auteurs de deux morceaux de l’album.
La voix sur le billard
Ce qui frappe d’abord l’écoute, c’est la théâtralité de la voix chantée. Le livret du disque évoque le « cri » initial poussé par le nouveau-né et le « dernier soupir du mourant ». C’est d’ailleurs ainsi qu’est construit l’album : du premier cri, symbolisé par le Lamento turco d’Andreas Tsiartas, aux évocations de la mort avec Nachtstück, de Schubert ou avec Harawi, le chant de l’amour et de la mort de Messiaen.
C’est dans ce voyage à travers la vie que la soprano emmène, via toutes les modalités de la voix, son auditeur. Sarah Aristidou démontre ainsi les qualités d’un chant protéiforme, capable d’être aussi saillant, soudain, que simple et modulé. C’est quand-même dans les Lieder ou dans les Cinq mélodies populaires grecques de Ravel que les couleurs de la voix, ses nuances de clair-obscur, ainsi que la clarté de la diction sont mises en valeur (notamment en français et même en russe avec Rachmaninov), quoique le travail de mise en scène l’épuise sur les fins de phrase, surtout en allemand.
Mais la voix, pour Sarah Aristidou, c’est aussi le chuchotement – le fameux « dernier soupir » qu’on retrouve dans son improvisation avec Daniel Arkadi Gerzenberg sur un poème yiddish, et dans l’énigmatique Sphinxensprüche und Rätselkanons de Jörg Witmann qui clôt l’album, où le chant est en partie réduit à un murmure.
L’énigme, écho de la vie et la mort
C’est l’idée qui parcourt l’album : la volonté, plus que de retranscrire le cercle de vie et de mort, de raconter le mystère qu’e représente ce cycle’l représente. Le livret évoque également le lien entre les terme grecs ήχος, le « son originel », et ηχώ, qui signifie l’« écho », les présentant finalement comme la réponse possible de l’énigme – la répétition et repise éternelle de ce cycle où chaque vie serait l’écho d’une autre ; vous reprendrez bien un peu de philo ?
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Outre ce ton présocratique, l’écho et l’énigme animent tous deux la musique. On remarquera qu’en chantant, Sarah Aristidou insiste particulièrement sur les voyelles a et o de ses vocalises, comme en écho à l’alpha et l’oméga. Au piano, Daniel Arkadi Gernzberg propose un accompagnement toujours simple, doté de finesse et d’aisance dans les divers répertoires. Son Improvisation, accompagnée à la clarinette, a un côté spatial, éthéré et immatériel (on pense aux premières notes d’Ainsi parlait Zarathustra de Strauss), avant de finalement rebondir sur des thèmes orientaux, plus traditionnels. Enfin, l’idée de l’énigme est exprimée par la dernière pièce de Witmann (avec lequel Aristidou a déjà collaboré pour l’opéra Babylon), dans les références au sphinx, les dissonances de la clarinette et le murmure vocal. Tout est fait pour créer– avec réussite – le trouble et donc, à nouveau, le mystère.
Pourquoi on aime ?
- Pour la clarté avec laquelle les mélodies sont abordées et les nuances de clair-obscur de la voix.
- Pour le travail de recherche et d’interprétation des trois artistes.
C’est pour qui ?
- Pour les curieux de la musique contemporaine et des usages variés de la voix qu’elle fait.
- Pour ceux qui recherchent de l’originalité dans leur playlist.
