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La Traviata au Musée Jacquemart-André, comme au Salon

OPÉRA – Les soirées organisées par « Opera a Palazzo » redéfinissent les codes de l’opéra, en offrant aux amateurs comme aux mélomanes une soirée d’exception où les classiques du répertoire lyrique se savourent dans un cadre confidentiel, comme si on était l’invité d’un salon musical du Grand Siècle. Retour sur la passion tumultueuse entre Violetta et Alfredo dans l’écrin du Musée Jacquemart-André. 

À quelques pas de l’effervescence des Champs-Élysées se dresse l’élégant hôtel particulier des époux Jacquemart-André, qui ouvre ses portes certains soirs pour des soirées lyriques. Bien connu du monde de l’art, ce lieu sublime abrite l’une des plus belles collections privées d’œuvres, avec des tableaux de maître : Uccello, Mantegna, Botticelli, Van Dyck, Rembrandt, Fragonard, Reynolds. L’entracte permet aux spectateurs de déambuler en pleine nuit dans les salons du rez-de-chaussée et d’admirer ces chefs d’œuvre dans une atmosphère intime tout en buvant une coupe de champagne. Tenue correcte exigée, quand-même. 

Hôtel très particulier

Dans ce cadre somptueux, La Traviata trouve un écrin naturel qui transcende la représentation traditionnelle. La mise en scène épurée de Patrizia Di Paolo tire habilement parti des éléments architecturaux des magnifiques salons : miroirs, lustres étincelants, tapis d’époque, tableaux de maîtres et moulures deviennent le décor de cette tragédie d’amour très Grand Siècle. Il faut dire que le cadre se prête très bien au sujet, et les costumes, créés par l’Atelier Nicolao de Venise ajoutent une touche d’authenticité historique à cette production.

L’histoire d’amour tragique entre Alfredo Germont, un jeune homme de bonne famille et Violetta Valéry, courtisane parisienne, gagne en puissance émotionnelle dans cette version condensée d’une heure trente. Elle se concentre uniquement sur les trois rôles principaux (Violetta, Alfredo et le papa d’Alfredo) accompagné d’un trio piano, violon, violoncelle. 

L’intimité du lieu, qui n’accueille que 80 spectateurs, crée une proximité rare et bouleversante avec les artistes. Violetta n’est plus l’héroïne tragique sur une scène d’opéra : elle évolue parmi les spectateurs, leur offrant parfois une coupe de champagne ou s’effondrant à leurs pieds dans les moments dramatiques. Malgré l’absence de sous-titres, l’intrigue reste parfaitement lisible grâce à l’expressivité des interprètes et au livret traduit en français, fourni en début de représentation. 

Scène de ménage

La distribution réunit trois jeunes talents lyriques français déjà reconnus, et dont le talent s’épanouit pleinement. La soprano Emilie Rose Bry incarne une Violetta d’une authenticité bouleversante. Malgré une voix légèrement voilée ce soir-là, sa performance vocale transcende cette fragilité passagère pour en tirer une force dramatique supplémentaire. Son Sempre libera, qu’elle exécute tout en servant et en buvant du champagne démontre une remarquable aisance tant scénique que vocale. Son interprétation, sublimée par la proximité avec le public révèle un timbre vibrant et bouleversant dont elle module et maîtrise les subtilités. Surtout ne l’oublions pas, Violetta est une femme malade qui tousse mais qui continue de chanter. Le point culminant de son jeu d’actrice survient dans la scène finale : pieds nus, cheveux ébouriffés, vêtue d’une chemise de nuit blanche trop large, elle meurt à nos pieds dans des soubresauts d’agonie bouleversants. On y croit totalement. 

Dans le rôle d’Alfredo, le ténor Matthieu Justine déploie un timbre éclatant avec des aigus parfaitement maîtrisés. La scène de dispute dans le salon atteint des sommets de tension dramatique, lorsqu’il repousse Violetta en lui balançant des billets au visage. L’intimité du lieu rend ce moment d’un réalisme saisissant : chaque spectateur devient le témoin involontaire d’une scène de ménage alors qu’il buvait tranquillement sa coupe de champagne. 

Enfin le baryton Laurent Arcaro campe un Germont père à la présence charismatique, porté par une voix grave et ténébreuse, incarnant parfaitement l’autorité paternelle inflexible. L’accompagnement musical, assuré par Yuko Osawa, Anne Balu et Anne Mousserion fait preuve d’une grande sensibilité, offrant aux chanteurs la liberté nécessaire à leur jeu.

À lire également : Opera Dinners – mécénat Belle Époque

Opera a Palazzo, concept venu de Venise, réinvente l’expérience de l’opéra en renouant avec la tradition des salons musicaux du XIXème siècle. Dans l’atmosphère d’un hôtel particulier, l’art lyrique retrouve alors une dimension plus confidentielle et plus authentique, rappelant l’époque où les spectateurs étaient plus proches des artistes. Une expérience immersive haut-de-gamme qui a son petit prix (235€), à tester au moins une fois dans sa vie. 

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