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Alain Altinoglu, le chef que le monde nous envie

Photo Marco Borgrreve
Photo Marco Borgrreve
PORTRAIT – Il est le chef d’orchestre que le monde nous réclame. Alain Altinoglu reprend Don Giovanni de Mozart à l’Opéra de Paris, où tout a commencé.

« Je connais le coin par cœur », sourit Alain Altinoglu en parlant de l’Opéra Bastille. Le chef d’orchestre français connaît bien l’Opéra de paris, son prestige et ses couloirs : il y a été tour à tour souffleur, en charge des surtitres, pianiste accompagnateur, chef de chant. Et c’est là qu’il a pour la première fois levé une baguette, dans des circonstances extraordinaires : « J’étais assistant d’un chef qui a dû partir car sa femme accouchait, raconte Alain Altinoglu. Je me suis retrouvé devant l’orchestre de l’Opéra alors que je n’avais jamais pris de cours de direction. La première minute fut stressante mais les musiciens ont joué le jeu… Sans cela, je serai sûrement resté pianiste. » Une autre histoire similaire a forgé le destin de Léonard Bernstein, à New York en 1943. Un point commun qui a surement amusé les Américains. Ils adorent notre « French baguette » : à 39 ans, Alain Altinoglu dirige régulièrement au Metropolitan Opera de New York ainsi que dans les grandes salles du monde. En juin il débute au Covent Garden de Londres, et il sera cet été à Bayreuth, le plus select des festivals d’opéra.

Don Giovanni à La Défense
A Paris, il dirige Don Giovanni de Mozart, une partition qu’il connaît bien. « Avant je ne voyais chez ce personnage que la soif de jouissance, la quête de l’orgasme. En vieillissant, je vois davantage sa peur de la mort. Son appétit sexuel est un moyen de combler son angoisse. Musicalement, je vais donc chercher plus de subtilité dans la scène du cimetière, où il se rit de la mort. » La mise en scène parisienne est signée du cinéaste Michael Haneke. « Il a transposé cet aristocrate en chef d’entreprise pour mieux critiquer la griserie du pouvoir, explique le chef d’orchestre. Les paysannes de Mozart, comme la jeune Zerline, sont des agents d’entretien dans les tours de La Défense. »

Même s’il est réclamé par le monde entier, Alain Altinoglu garde précieusement Paris comme port d’attache. « Je suis vraiment un Parisien. Je vis dans le 15e avec ma femme (la mezzo Nora Gubisch, ndlr) et mon fils. J’ai grandi en banlieue, entre Créteil et Maison Alfort. Le « lycée qui craint » j’ai connu ! Les ados de ma cité se moquaient de moi et de mon piano : « C’est quoi ce truc de gonzesse ». J’avais 14 ans. Un jour je les ai fait monter chez moi. J’ai joué une ballade de Chopin. Ils étaient « scotchés » et m’ont laissé tranquille ! »

« Don Giovanni » de Mozart, jusqu’au 14 février à l’Opéra Bastille. www.operadeparis.fr. A suivre en direct sur Radio Classique le 11 février.
Article paru dans Le Parisien du 23 janvier 2015.

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