COMPTE-RENDU – Concerto contre Piano et Orchestre se donne jusqu’au 25 septembre au théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet, à Paris. Un spectacle qui fait honneur au lieu, temple du théâtre musical.
Comment définir le théâtre musical ? Un savant dosage d’expression verbale, de scénographie et de musique ? Une performance scénique où la musique tient la dragée haute ? Plus simplement, un spectacle pluridisciplinaire dans lequel la fiction et la dramaturgie sont soutenues, dès la conception, par le chant et la danse.
Patrice Martinet, directeur – jusqu’à il y a peu – du théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet, avait coutume de dire : « Je viens de la littérature et du théâtre, mais mon but ultime a toujours été de programmer de la musique. » Ce qu’il fit avec talent. On se souvient notamment des Chants de Maldoror, de Benjamin Lazar, ou encore de Vous qui savez ce qu’est l’amour, de Romi Estèves (qui se redonnera du 9 au 13 novembre). Avec une acoustique à la fois douce et précise, l’Athénée est un écrin pour développer de petites formes et oser l’expérimentation.
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Le spectacle Concerto contre Piano et Orchestre, qui s’y donne jusqu’au 25 septembre, est un enchantement, une merveille de trouvailles musicales et scéniques, de performances, d’humour… et de tendresse. Porté par le collectif La Sourde, constitué de 18 musiciens venant du classique, de la musique ancienne, des musiques improvisées et du jazz, il est un hymne à la pétillance, au bon goût, à la subtilité et à la belle musique.
Le Concerto pour piano en do mineur de Carl Philipp Emmanuel Bach (1714-1788, fils de) sert de base à un doux délire un peu absurde, illustrant les rapports parfois conflictuels, ambigus ou encore sadomasochistes, qui lient les musiciens d’orchestre, le soliste et le chef. Cette performance est également un vibrant hommage à la musique improvisée et au jouer ensemble.
Les déplacements des musiciens relèvent de la chorégraphie et de la grâce picturale. Les éclairages sont léchés, au cordeau. Le traitement du son, uniquement acoustique, est remarquable. Grâce à un piano habilement préparé, la pianiste Ève Risser peut intriquer savamment piano-bastringue et piano façon pianoforte. Un gros son de contrebasse moderne et une batterie agressive viennent dynamiser (dynamiter ?) l’effet « musique de salon » de la partition, pour une orgie sonore complètement maîtrisée.
Gageure ultime : alors que le spectacle passe son temps à déconstruire l’ouvrage, vous ressortez en fredonnant un magnifique lamento dont il est issu ! La preuve que cette extension du propos musical, proposé par le collectif La Sourde, fonctionne pleinement.
Programmé par les nouveaux propriétaires de l’Athénée, les « deux Olivier » (Mantei et Poubelle) et Bernard Le Masson, président du Cercle des partenaires des Bouffes du Nord, ce spectacle fait honneur au lieu, revendiquant la marque de fabrique de Patrice Martinet et prédisant un avenir radieux au théâtre musical en ces murs !