DISQUE – Nouvelle coqueluche de la scène mondiale, la soprano norvégienne Lise Davidsen revient cette année avec un disque brillant de sobriété autour des mélodies d’Edvard Grieg, le plus célèbre de ses compatriotes. Elle y est accompagnée par un autre Norvégien majeur : le pianiste Leif Ove Andsnes.
Les étoiles du Nord brillent au cœur de l’hiver. En ce mois de janvier, les Norvégiens Lise Davidsen et Leif Ove Andsnes se retrouvent pour un disque autour du répertoire vocal de leur illustre compatriote, Edvard Grieg.
Tout au long des 28 mélodies réparties en quatre cycles, la poésie et la culture scandinave s’ouvrent à nous. Soyons francs, on ne connaissait pas autant d’œuvres vocales à l’auteur de Peer Gynt. Seul vrai tube à son actif : la Chanson de Solveig, que Lise Davidsen et Leif Ove Andsnes ont eu la bonne idée de ne pas mettre au programme de cet enregistrement, évitant ainsi l’écueil du cliché et faisant de cette parution un véritable parti pris tourné vers la découverte.
Un disque cent pour cent Norvégien
Une prise de risque en forme d’argument marketing assumé : qui de mieux que ces deux artistes pour interpréter la musique de Grieg ? Au XIXe siècle, le compositeur assiste à la naissance des mouvements culturels nationalistes et n’a eu de cesse d’exalter l’âme scandinave, ses grands paysages, ses mythes formidables et sa poésie épique.
On sent dans ce disque la volonté de sincérité des interprètes, par la haute fidélité d’une Lise Davidsen qui chante sa langue maternelle et les qualités de peintre d’un Leif Ove Andsnes, immense pianiste relégué ici au rang de paysage, mais qui réussit sa mue. Le soliste habitué aux premiers plans se révèle un accompagnateur solide, profitant des quelques libertés laissées dans la partition pour glisser dans nos oreilles les ambiances très scénarisées dont Grieg était le spécialiste.
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Dans l’intimité d’une wagnérienne
Défendre la poésie si exotique de la langue norvégienne sur la grande scène mondiale, c’est un défi que seule une star peut relever. Pour passer la rampe, un programme comme celui-ci se doit d’être porté par un grand nom pour bénéficier des honneurs d’un disque “prime time” chez Decca. Malgré son relatif jeune âge, Lise Davidsen est incontestablement faite du même bois que les grandes sopranos lyriques que l’Europe du Nord a enfantées.
Dès les premières années de sa carrière, la critique a tout de suite vu dans son incomparable puissance et ses aigus monumentaux l’héritage glorieux des Kirsten Flagstad et autres Birgit Nilsson.
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Son matériau vocal brut est incontestablement une rareté. Il s’exprime ici avec la sobriété d’un enregistrement chant-piano, dans un répertoire qui n’exige pas de dompter un orchestre wagnérien ou de remplir une salle de 2 500 spectateurs. Cette relative intimité va très bien à Lise Davidsen. Peut-être même qu’elle lui fait du bien…
L’éternel avènement de Lise Davidsen
Dans un précédent article, nous souhaitions voir polir le diamant Davidsen. 34 ans, c’est encore très jeune pour une soprano dramatique, et là où d’autres se sont précipités dès ses débuts pour récompenser le spectacle sans cesse rejoué de la précocité, nous avons opté pour le bémol, au risque de détonner.
Nous maintenons, car c’est, selon nous, le rôle de la critique. S’abstenir de crier au prodige quand nous pensons entrevoir la possibilité d’une grande artiste, calmer les ardeurs d’un monde en quête permanente de miracle, c’est assurer un cocon bienveillant à nos jeunes pousses. C’est leur permettre de grandir sans l’ombre des vieilles gloires au-dessus de leur tête. C’est leur dégager le ciel pour en faire une page blanche à éclabousser. C’est ce que nous ferons, disque après disque, avec Lise Davidsen.
Pourquoi on aime :
- Leif Ove Andsnes est un de nos pianistes préférés. Le voir ici ajouter l’accompagnement à la palette de ses talents nous le fait aimer encore plus !
- En grands curieux, nous avons adoré découvrir quelques mélodies peu connues de Grieg. Ça change de la Chanson de Solveig !
- Parce que nous suivons Lise Davidsen depuis longtemps. Un talent comme le sien mérite qu’on s’y arrête.