DISQUE – Iceland, the Eternal Music, paru le 11 février chez Harmonia Mundi, est une petite pépite d’œuvres nordistes qui nous rappelle que le silence éternel des espaces infinis n’a, en fait, rien d’effrayant.
Le saviez-vous ? L’Islande, ce pays qui attire tous les ans les chasseurs d’aurores boréales et les amateurs de bains chauds est aussi une terre de musique ! Ce rocher volcanique perdu loin dans la mer du Nord tient même une belle place dans la richesse du vivier scandinave. Une bonne nouvelle portée par la dernière parution du label Harmonia Mundi, qui met à l’honneur la production musicale islandaise.
Première mondiale
Le disque est composé d’une collection de courtes pièces composées par un vivier de compositeurs islandais gravitant autour de deux pièces maîtresses : Ad Genuam d’Anna Thorvaldsdottir, et un Requiem de Sigurdur Sævarsson, enregistré en première mondiale.
La lecture du livret éclaire la genèse de ces deux œuvres assez mystérieuses, pour ne pas dire carrément hallucinées en ce qui concerne Ad Genuam. On est complètement transporté durant ces dix minutes d’hypnose par un style qui n’est pas sans rappeler les clusters kaléidoscopiques du Hongrois Ligeti ou le mouvement perpétuel de l’Estonien Arvo Pärt.
Oui, les musiciens islandais voyagent, et même depuis leur îlot de solitude en pleine mer, ils peuvent dialoguer avec les vents de la création européenne. Ad Genuam est une œuvre extrêmement moderne dont l’auteure n’a pas 50 ans. Une petite claque.
Architecture musicale
Mention spéciale aux interprètes de cette pièce incroyablement difficile à faire sonner. Une telle architecture musicale, si elle est exécutée par des musiciens fades et déconnectés, peut s’effondrer comme un château de cartes et sonner comme une grossière cacophonie.
Ici tout est fait avec la précision d’un laser, et les effets acoustiques voulus par la compositrice sont réellement saisissants. Bravo aux chanteurs du Choir of Clare College de Cambridge, aux musiciens du Dmitri Ensemble et à leur chef, Graham Ross pour les heures de répétition, le souffle embué dans la fraîcheur monolithique de la cathédrale de Reykjavik.
C’est pour qui ?
Pour le reste, le style général d’Iceland est très “comme il faut”. Il s’adresse à qui veut s’offrir une bulle de précieuse déconnexion, aux amateurs de solitude et d’écoute les yeux fermés. Il puise dans ce qui fait la réussite du répertoire scandinave, de plus en plus joué à l’étranger de nos jours.
Avec ces grandes tenues de quintes parallèles bien médiévales et ses dissonances harmonieuses empruntées au folklore des chants des bergères, la couleur globale de ce disque penche sérieusement du côté de la contemplation. Un monochrome méditatif. Un vol silencieux au-dessus des immensités gelées. Comme dans un rêve.
Pourquoi on aime ?
- Parce que nous sommes aussi une rédaction tournée vers la création, et que nous l’accueillons toujours avec joie !
- Pour le doux miel de la musique scandinave. C’est facile, c’est simple, ça marche à tous les coups.
- Pour la claque d’Ad Genuam (première piste de l’album) qu’on ne voyait pas venir dans un tel disque.