CONCERT – Dans l’intimité d’un récital de musique de chambre, le Festival Berlioz de la Côte-Saint-André met en regard les œuvres de deux amis, Berlioz et Liszt, le second ayant grandement œuvré à la reconnaissance du premier.
En musique classique comme dans la vie, il y a toujours de la place pour un ami ! Ainsi Franz Liszt a-t-il beaucoup œuvré de son vivant pour faire connaître et reconnaître l’œuvre de son ami Hector Berlioz. Quand il ne se chargeait pas de la diriger lui-même, il en faisait des arrangements pour la diffuser plus largement. On trouve aussi beaucoup d’éloges à Berlioz dans les écrits de Liszt.
C’est justement à cette amitié que le Directeur du Festival Berlioz de la Côte-Saint-André (village natal de Berlioz), Bruno Messina, rend hommage par ce concert de l’après-midi, en l’église St André. Assez bien construit, le programme pour alto et piano permet effectivement d’entendre du Liszt (Deux Elégies), du Berlioz (Pantomime d’Andromaque extrait des Troyens), et… du Berlioz arrangé par Liszt (le redoutable Harold en Italie). La symétrie est parfaite : les bons comptes font les bons amis !
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Le sourire aux lèvres
Dans ce concert en duo, Lise Berthaud tient la partie d’alto, dont elle joue avec un petit sourire aux lèvres. L’instrument produit un son chaud, les doigts de l’altiste creusant un vibrato profond. L’archer glisse, saute, rebondit puis s’écrase sur les cordes. Variations de textures, de couleurs et de nuances. Lorsqu’elle ne tient pas la ligne mélodique, elle offre au piano un contrepoint attentif et parfois virtuose. Sa robe argentée et brillante contraste avec le costume sobre et noir de son partenaire du jour. Selon la note de programme, le créateur de la partie d’alto d’Harold en Italie, Niccolò Paganini, se serait plaint de s’y taire trop souvent. Lise Berthaud ne semble pas s’en émouvoir : lorsqu’elle ne joue pas, elle prend quelques pas de recul, non sans avoir poussé un profond soupir pour relâcher la pression. Elle observe alors son collègue, un sourire toujours campé au coin de la lèvre.
Du piano ouvert déferle une véritable tempête virtuose dont le rythme est si rapide que la tourneuse de page n’a presque plus le temps de s’assoir !

Un accompagnateur très présent
Jean-Frédéric Neuburger est quant à lui assis au piano (Steinway & Sons). Pas de sourire chez lui : sa tâche est grande. Si sa partenaire marche dans les pas de Paganini, lui doit remplir le costume d’un autre géant : Liszt. Rien que ça… On comprend donc la concentration profonde qui l’habite. Son touché est sonore, massif : le son écrase celui de l’alto lorsque sa fonction est de l’accompagner, mais remplit l’église, majestueux, lorsque la partition le place au premier plan. C’est notamment le cas dans Harold en Italie, où ses mains vibrionnent sur le clavier, générant un son plein, presque saturé. Il prend alors à sa charge la puissance d’un grand orchestre, comme dans le final du concert, impressionnant. Du piano ouvert déferle une véritable tempête virtuose dont le rythme est si rapide que la tourneuse de page n’a presque plus le temps de s’assoir ! Lorsqu’à l’inverse il n’utilise qu’une main pour jouer, il fait danser l’autre au-dessus du clavier, comme pour aérer les volutes qui en émanent.
Sans laisser le temps aux dernières notes de résonner, les « bravo » jaillissent du public. Le visage marqué de Jean-Frédéric Neuburger peut enfin s’éclairer d’un sourire soulagé. « Last but not Liszt », le duo, complice comme l’était celui des compositeurs, offre alors en bis au public la Villanelle extraite des Nuits d’été. De… Berlioz, bien sûr.