AccueilA la UneLa danse selon Leonard Cohen : une poésie de peau

La danse selon Leonard Cohen : une poésie de peau

DANSE – Le Grand théâtre de Provence reçoit Les Ballets Jazz de Montréal, qui mettent en scène et en gestes, avec une équipe de chorégraphes et de maîtres d’œuvres innovants, la playlist idéalement mouvementée du poète canadien.

Le poète parle

Sur le plan musical, la bande-son fait se succéder, comme en fondu-écouté, une quinzaine de titres de Léonard Cohen, de Dance Me to the End of Love à Suzanne en passant par Alleluia (conception et direction musicale d’Alexis Dumais et Martin Léon). Leurs versions sont particulièrement choisies. Elles font la part belle à l’orchestration sonorisée, dans laquelle des voix féminines contre-chantent avec celle de l’artiste. La voix de Leonard Cohen est longue, saisissante et soupirante dans le parler, barytonnante et soyeuse dans le grave, lumineuse et tendre vers l’aigu. Chaque nouvel opus s’ouvre par une introduction planante, libre, faite de longs sons filés, et de savoureux craquements de vinyle. Elle se poursuit, souvent avec l’apparition du chant, par le groove jazzy d’une section rythmique, avec sa beat generation, dont la scansion irrésistible appelle les échanges corporels les plus vifs.

Sept filles et sept garçons dans le vent

La compagnie Les Ballets Jazz de Montréal est constituée de sept danseuses et de sept danseurs, mobilisés selon une distribution des rôles fluide mais égalitaire, puissante dans les ensembles, fascinante dans les solos et les groupes restreints. Statisme et dynamisme se côtoient, à la faveur de la succession, palpable et reconnaissable, de trois chorégraphes : Andonis Foniadakis, Annabelle Lopez Ochoa et Ihsan Rustem. L’ensemble est imaginé et organisé, dans sa cohérence, par Louis Robitaille. Les danseurs sont des athlètes infiniment sensibles, animés dans leur chair – qui fait partie intégrante de leur costume (Philippe Dubuc et Anne-Marie Veevaete) – par la parole poétique et ses scansions. Cette parole s’imprime dans leur corps, en développe la morphologie : jambes particulièrement musclées, solidité du buste, étirement élastique des extrémités. À rebours de la danse classique, la gestuelle mobilisée par la troupe québécoise se veut ancrée solidement dans le sol et mise en tension avec un ciel que cherchent à atteindre des mudras de pieds et de mains. 

Dance with me ©Thierry du bois
La preuve par trois

Les gestes circulaires, spirales se déroulant à l’infini, les arrêts sur images, réunissant les corps en personnages chimériques ou mythiques, les flashmobs aux infimes décalés sont le vocabulaire de base des chorégraphies. On retiendra notamment le savoureux jeu de jambes d’une équipe de dactylos, rythmé par le bruit métallique de la machine à écrire. L’ensemble forme un précieux composé dont le spectateur peut saisir tour à tour l’origine classique (pas chassés, grands écarts et pointes… mais vers le ciel) ou contemporaine (glissements de félins, torsions anguleuses des membres, embrassements fusionnels).

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Mais place est faite au jazz, avec ses battements rythmiques, ses combinatoires géométriques, ses roulades de gymnastes, ses dynamismes ambulatoires, ses jongleries circassiennes, voire ses déplacements batraciens, etc. Le résultat produit une  trans-corporation constante (embrassements profond des danseurs), redoublée par un échange serré entre verbe poétique et geste chorégraphique (jusqu’au chant en playback de deux titres de Léonard Cohen) .

Dance with me ©Thierry du bois

La danse des sept lumières

Le travail scénique est dense, complexe ; mais il crée, à la manière d’un moine zen en son jardin, un univers épuré, en blanc et noir, ombres et lumières (Cédric Delorme-Bouchard et Simon Beetschen), dénué ou enrichi d’accessoires réels (bâtons de Jedi, machines à écrire) ou virtuels (HUB Studio). Des flocons de neige viennent nimber le plateau, tandis que circule la silhouette agrandie du poète, ou chutent légèrement, depuis les cintres, celle des danseurs. Un encadrement de colonnes de projecteurs (totems modernes) vient définir l’espace visuel, fait de poursuites, de halos, d’éblouissements, notamment quand les lumières sont braquées vers le public, dont elles impriment douloureusement les rétines : saturation spectaculaire !

Le spectacle s’achève par une chorégraphie rythmique d’applaudissements, sur les dernières notes du poète. Le public est heureux d’être intégré, le temps de son battement de mains, à l’hommage dramaturgique (Éric Jean et Elsa Posnic) et scénographique Pierre-Étienne Locas et Alexandre Brunet) rendu à Léonard Cohen par le ballet canadien.

En bonus : une madeleine de Leonard Cohen…
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