CONCERT – Une messe à la Philharmonie, c’était la proposition que faisait l’Orchestre de Paris avec son chœur pour ce mercredi 26 avril 2023. Au programme, le Requiem de Verdi, sous la direction avisée de Jaap van Zweden. Il y a des pièces que l’on connaît très bien. Trop peut-être. Quelles attentes peut-on alors mettre dans un concert exclusivement dédié à cette œuvre composée en 1873 ? Peut-on encore se laisser surprendre par de semblables monuments du répertoire ?
Les artistes, les artistes avant tout !
Vous pourriez arguer qu’on vient à tout concert pour entendre les musiciens. Le Requiem de Verdi est une pièce qui ménage d’importants moments de bravoure pour des chanteurs solistes qui doivent donner la réplique à une masse instrumentale et vocale écrasante. Un défi qui attise la curiosité, et attire le public : qui peut ressortir vainqueur de cette performance titanesque, de cette pièce d’un bloc dont l’exécution prend 1h30 ? Le casting de ce soir le pouvait sans doute : Elza van den Heever (soprano), Aude Extrémo (mezzo-soprano), René Barbera (ténor) et Jean Teitgen (basse), sans oublier l’Orchestre de Paris et son Chœur. A ce propos, la netteté dans la diction du choeur fut aussi appréciable que l’engagement total du chef envers son orchestre.

Do you speak Verdi ?
Il y a connaître et connaître une pièce. Assurément tout le monde a en tête le Dies Irae. Mais prenons-nous tous le temps d’écouter la longue séquence qui le suit, ou même l’Offertorio ? Aller au concert, c’est aussi s’imposer une temporalité différente dans l’écoute, et une telle composition le mérite sûrement. C’est apprendre à apprécier ce qui fait la théâtralité de ce quasi-opéra : non pas seulement les grands moments dramatiques, mais aussi les duos, trios, airs et autres moments lyriques. Cher lecteur, on sous-estime trop la douceur du Recordare ! Disons-le : aller écouter le Requiem en concert, c’est vivre une expérience esthétique bouleversante. Nos oreilles et la salle ont tremblé sur le Dies Irae (il fut si énergique, si passionné !), puis la salle a frémi sur le Sanctus. Il fut évident et plaisant de se laisser happer par la démesure des tutti venus d’un autre temps. Il était difficile de ne pas tomber, par ailleurs, sous le charme de cette formidable voix de basse qui est celle de Jean Teitgen : une voix pleine et ronde, parfaitement adaptée à l’acoustique de la grande salle Pierre Boulez, et particulièrement remarquable dans le Confutatis.
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Dernier jugement
Au chapitre des regrets, on aura malgré tout à mentionner quelques points. D’abord, l’entremêlement difficile du timbre des deux chanteuses, qui rendait certains passages des duos complexes pour l’oreille. On put sentir également une évidente fatigue physique pour la soprano sur les dernières minutes de la performance – ce qui se conçoit – et une instabilité plus générale dans l’ouverture et l’ampleur de la voix de ténor. Si l’on regarde dans son ensemble la performance, on peut regretter que l’orchestre n’ait pas réussi à rendre plus intenses les passages calmes et mélancoliques de la Messe : si ces moments sont moins connus, c’est précisément parce que leur densité d’écriture est moins importante que dans le reste du morceau – et on comprend bien qu’il est, dès lors, aisé d’égarer le public. Fort heureusement, le concert prit fin sur un dernier Dies Irae qui mit tout le monde d’accord.