CONCERT – L’ensemble spécialisé dans la musique du 20e et 21e siècle œnm (œsterreichisches ensemble fuer neue musik / Ensemble autrichien pour la Nouvelle Musique) démontre la richesse et l’exploration sonore des instruments à vent au Konzerthaus de Vienne avec Ligeti, Goldmann, Holliger et Kurtág dans le répertoire.
OENM : késako ?
L’ensemble œnm (œsterreichisches ensemble fuer neue musik / Ensemble autrichien pour la Nouvelle Musique) est fondé à Salzburg en 1975 suite aux réunions régulières des amoureuses et amoureux de la musique du 20e et 21e siècle, dite « Neue Musik » (Nouvelle Musique). Depuis 1977, l’ensemble a représenté, sous la direction de son chef d’orchestre invité principal Johannes Kalitzke, des œuvres des compositeurs contemporains (Pascal Dusapin, Titus Engel, Elena Mendoza, Steve Reich et Wolfgang Rihm) dans les festivals de musique contemporaines notamment en Autriche et en Allemagne. Au Konzerthaus de Vienne, cinq membres de l’ensemble, dont Irmgard Messin (flûte), Markus Sepperer (hautbois), Theodor Burkali (clarinette), David Fliri (cor) et Nenad Janković (basson) présentent un répertoire réunissant Ligeti, Goldmann, Holliger et Kurtág à l’occasion de la série « Portrait de György Ligeti ».
Quatre compositeurs, quatre histoires
György Ligeti, György Kurtág, Friedrich Goldmann et Heinz Holliger font partie de notre temps et ont influencé le développement de la musique contemporaine. Ligeti, Kurtág et Goldmann ont étudié avec Sándor Veress, dont l’influence reste présente dans leurs ouvrages. Les trois devaient également fuir la Hongrie à cause du régime dictatorial et développer leur art ailleurs :

Ligeti à Vienne, après avoir perdu sa famille envoyée dans les camps de concentration en Hongrie

Kurtág à Paris où il a étudié entre autres avec Olivier Messaien et Darius Milhaud

Goldmann, né dans l’ancienne République démocratique allemande (DDR), s’est battu en faveur de la modernisation de la musique dans un cadre qui étouffait toutes sortes d’expression artistique.

Enfin Holliger, l’un des anciens élèves de Kurtág, a dédié sa carrière pour encourager les musiciens au-delà du Rideau de Fer.
Fragments et unité
Le répertoire des quintettes pour les instruments à vent est un champ d’expérimentations esthétiques et sonores dont le but ultime est de démontrer et d’explorer la richesse sonore et texturale, ainsi que les possibilités et les limites des instruments à vents. Ils sont ainsi mis en valeur tout en étant mis à l’épreuve. La composition du répertoire alterne le modèle fragmentaire, dont le quintette des instruments à vent, op. 2 (1959) de Kurtág et les dix pièces pour un quintette des instruments à vent (1968), et le modèle de la composition continue (Durchkomponiert), dont Zusammenstellung (« Compilation », 1976) de Goldmann et « h » (1968) de Holliger.
Explorations sonores jusqu’à la limite
La soirée commence par un Lento très court du quintette de Kurtág. Une oeuvre qui cherche les nuances extrêmes, à la limite de l’audible. L’évaporation des notes douces en murmures conclut également h de Holliger. D’où deux interprétations possible du titre « h » : soit il est l’initiale du nom du compositeur, soit il indique la tonalité sur laquelle repose la composition (en allemand, « H » est l’équivalent d’un si), soit il souligne l’importance de l’évaporation sonore du souffle, qui est pour Holliger aussi important que la note elle-même. L’exploration des textures, quant à elle, est présente dans chaque partie. Dans les compositions envisagées comme des fragments, les confrontations sont plus ciblées afin de démontrer de différentes épaisseurs sonores.
On apprend au fur et à mesure à distinguer, et à se concentrer dans un même temps sur la différence et le mélange entre la résonance du cor et celle du basson lorsque les deux entrent en contact. Cet exercice ne vient pas naturellement et demande beaucoup de patience, mais devient peu à peu une expérience zen qui nous ramène au hic et nunc de l’ouïe et de nos corps. Dans les compositions continues, dont Zusammenstellung de Goldmann, il est nécessaire de tendre l’oreille pour remarquer certaines cellules sur lesquelles les explorations et les expérimentations sonores se basent. Ce ne sont pas des lignes directrices qui donnent l’illusion d’une forme, mais nous pouvons reconnaître certains aspects reconnaissables dans les ‘variations’. L’écoute permet de relâcher la représentation de ce qu’on entend habituellement comme musique et de laisser les fragments de sensations, et même d’irritations, venir à nous. La légèreté des notes sautillantes de la flûte contre la densité du tapis sonore achevée par le cor et le basson, qui assure la gravité de l’ancrage dans le 4e fragment des dix pièces de Ligeti « Prestissimo, leggiero e virtuoso » (le titre est très instructif : « très vite, légèrement et virtuose ») sont une joie pour l’oreille.
Succès public !
Le public accueillit la finesse d’interprétation et l’attention aux détails de l’ensemble avec grand enthousiasme. Les efforts de la concentration et de l’esprit ont sans doute porté leurs fruits et ouvrent la voie vers une appréciation musicale plus vaste, plus riche et plus courageuse.