FESTIVAL – L’actrice marseillaise Ariane Ascaride récite du Bertolt Brecht, accompagnée à l’accordéon par David Venitucci, au Festival Off d’Avignon dans une petite salle de La Scala Provence. Un spectacle qui cherche à être fort, engagé et révolutionnaire.
Plus belle la v(o)ie
Une fois encore, nous voici à chercher le véritable lien à la musique, dans ce spectacle du Off à La Scala Provence pourtant annoncé en gros et avant toute chose dans la catégorie “THÉÂTRE MUSIQUE”. Il fallait une nouvelle fois lire avant tout l’espace séparant ces mots, comme ces arts restent séparés ici encore. Après “Weber à vif” tournant autour de Cyrano, c’est à ce spectacle, “Du bonheur de donner” que nous avons bien envie de dire Non merci. Cette proposition tourne autour de poésies parlant de la souffrance humaine (et déclenche effectivement ce qu’elle prêche), avec un discours politique parfois en filigrane, parfois pas du tout, accompagné par un accordéon (qui aurait tout à fait pu ne pas être là, sans changer radicalement le spectacle).
Bien entendu, Ariane Ascaride récite ces poésies avec tout le sens qu’elles ont, pour elle, “éclairant” certains moments de sa vie, en un hommage notamment à Marcel Bluwal, réalisateur et metteur en scène qu’elle a accompagné jusqu’à son décès (sans souffrances en 2021). Son talent d’actrice rend sa récitation plus amène, avec une bonne diction et un bon rythme, ainsi qu’une expressivité vocale et théâtrale.
Écoutez la leçon et Baissez le son, au maximum :
Battre en Brecht
Et la musicalité semble même aussi se lancer, loin pourtant de ce qui se serait imposé comme une évidence pour un spectacle avec du Brecht (même la Comédie Française en chante) mais tout de même dans une grande complicité avec l’accordéoniste : l’actrice donne des départs et pousse même parfois la chansonnette. Mais la voix montre alors toute l’étendue de ses défauts techniques, passant du plat à la stridence, même pour de la variété diverse et variée.
Dans les moments les plus désespérants de son texte, elle outrepasse toutes mesures et le contrôle d’elle-même, criant dans son micro, comme pour renforcer la puissance de son message de justice. Mais tout sature : dans les décibels comme dans l’accumulation des luttes (des classes, contre le capitalisme, son larynx et nos tympans avec).
Accordez, accordez-donc…
Le musicien et compositeur David Venitucci voit son rôle restreint à celui d’un accompagnateur animant le discours. Ses quelques petits solos montrent pourtant une excellente maîtrise de son instrument, dans un jeu agile et plein de virtuosité qui vient comme une oasis de musicalité et un baume pour les tympans. Il esquisse aussi des interactions expressives avec le propos, via quelques effets sonores avec son instrument, imitant le son des vagues, tentant autant que possible d’interagir, jusqu’à réagir aux discours par des grimaces et des regards expressifs.
Ce spectacle “Du bonheur de donner…” verse ainsi davantage dans le don de soi mais pour soi, franchement aussi entre-soi. Quoiqu’il en soit, au bonheur de donner répond la joie de recevoir : la part du public -majoritaire mais pas unanime- ayant apprécié ce spectacle applaudissant et rappelant les artistes sur scène.