FESTIVAL – À un an des Jeux Olympiques en France et à l’aube d’une saison où plusieurs maisons lyriques mettront en avant en clin d’œil cette Olimpiade, l’opera seria de Vivaldi de 1734 est joué au Festival de Beaune en version de concert avec une distribution inégale.
Opera Seria, est-ce bien sérieux ?
Les opere serie du XVIIIe siècle sont des soirées particulières, parfois difficiles notamment quand il s’agit de suivre une intrigue comme celle-ci, incroyablement compliquée d’amour et d’amitié, de déguisement, et pour finir la révélation de jumeaux qui permet de démêler le tout (presqu’aussi compliqué que d’obtenir des places pour les Jeux Olympiques, autour desquels se noue déjà toute cette intrigue). Deux douzaines d’arias d’une structure presque identique sont séparées par un récitatif presque toujours accompagné par la basse continue seule. De fait, le spectacle appelle (et repose souvent sur) de somptueux décors, de beaux costumes, des gestes, coiffures et mouvements élégants : autant de défis qui deviendraient ici manques flagrants sans le décor naturel de la Cour des Hospices (mais qui, pour totalement disparaître, auraient demandé davantage de travail préparatoire).
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Avec Vivaldi, oui !
Ne nous y trompons pas. La formidable musique de Vivaldi est un mont Olympe en soi, riche des passions humaines et divines, elle qui parcourt toute la gamme des émotions, du chagrin désespéré à la joie et à la splendeur, en gravissant des sommets de colère et de luxure. Même dans le cadre du genre, les arias individuelles ont plus d’effets spectaculaires dans chacun des actes que bien d’autres opéras en entier (et le récitatif est habilement traité).
Sans soutien, seria c’est rien – ou pas grand chose
Mais de tels sommets sont d’une implacable exigence pour les chanteurs, ici en difficulté. L’Aminta d’Ana Maria Labin se dégage ainsi largement du peloton des autres solistes (en ces temps estivaux de Tour de France) : ses trois arias resteront comme les plus marquants moments de la soirée, et son récitatif est interprété avec l’exact style et élan. Mais elle ne campe qu’un personnage mineur (au service de Licida), et la plupart des autres membres de la distribution reste loin des sommets du Mont Olympe et de la virtuosité Vivaldienne.
Francesca Ascioti parvient néanmoins à valoriser l’élégance et l’excellence de sa diction italienne (en Aristea, « récompense » du vainqueur des JO). Campant son père le roi Clistène, Jean-Jacques l’Anthoën est visiblement en mauvaise santé vocale, aggravée au fil de la soirée. Les autres interprètes, incarnant confident, rivale et rivaux, ne semblaient pas maîtriser leurs rôles, avec des problèmes d’entrées notamment. Fernando Escalona fait preuve de beaucoup d’énergie et offre un aperçu -seul- d’une parade de JO (même en cette version concert) mais sa technique vocale le contraint, davantage encore que Rémy Brès-Feuillet mais qui manque de contrôle sur le phrasé et la dynamique. Chiara Brunello manque d’assurance en Argène, tandis que Matthieu Toulouse ne donne pas davantage de dimension au si petit rôle d’Alcandro.
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Dans ces conditions, les artistes vocaux avaient besoin de tout le soutien possible, notamment de la basse continue et du premier violon. C’est ce qu’ils obtiennent parfois (dans le récitatif), entre deux danses du chef Jean-Christophe Spinosi s’inspirant d’un Toscanini tardif, rompant la souplesse et l’entrain baroques, d’autant qu’il se pose entre l’ensemble orchestral et les solistes. Les instrumentistes doivent être d’autant plus salués d’être parvenus à offrir des moments d’allègement musical (quoique restant à mille lieues du style vivaldien).
Le public de Beaune demande un bis qui s’effondre, en ruines.
Ce n’est certainement pas ainsi que les Dieux s’amusent.