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Je vois, Je vois… Lina Ferencz

BOULE DE CRISTAL – Dans les mini-récitals de plein air où nous l’avons découverte, elle ne laisse pas indifférent ! Si sa carrière n’avait pas été interrompue par la Covid, elle serait probablement en train de gravir les sommets de l’art lyrique. Sa voix aurait été qualifiée par un ingénieur du son de « super pouvoir » à l’occasion d’un enregistrement. Gageons d’après notre oreille habituée que cela relève bien du compliment sincère et non de la flagornerie. Notre cabinet de voyance lui prédit un brillant avenir :

Je vois, je vois… une formation au carrefour des arts

Née à Nyíregyháza en Hongrie, Lina Ferencz est très tôt éduquée à la musique. Elle commence par apprendre le violon à l’âge de quatre ans mais se retrouve très vite piquée par le virus du théâtre. Elle résume cet expérience ainsi : « Nyíregyháza où j’ai grandi est une petite ville. Il n’y a pas d’opéra mais il y a un théâtre. Quand j’étais enfant, c’était florissant. Les meilleurs metteurs en scène venaient et amenaient d’excellents acteurs. On allait au théâtre tous les weekends. J’étais « infectée ». Je savais que je voulais devenir actrice dès l’âge de huit ans ». Elle se forme alors dans cette voie en suivant divers cours et ateliers, intègre une troupe locale puis le studio Hevesi Sándor Theatre à Zalaegerszeg mais prend conscience de sa voix lyrique grâce à une professeure de chant et se tourne alors vers l’opéra. Elle commence à développer sa technique et intègre vers sa vingtaine la très prestigieuse académie Franz Liszt de Budapest où elle étudie le répertoire de soprano. A cette période, l’Académie était cependant troublée par des luttes de pouvoir internes au sein du corps enseignant ce qui eut un impact important sur le début de sa carrière. Elle aborde des rôles dits “Zwischenfach” (c’est-à-dire entre deux tessitures) tels que La Ciesca (Gianni Schicchi), La Scaffetta (Il caffe di Campagna) de Galuppi ou Donna Elvira (Don Giovanni) avant de se tourner définitivement vers la tessiture de Mezzo-Soprano qui lui correspond mieux. Elle poursuit à cet effet sa formation à Salzbourg.

Je vois, je vois… une héroïne dramatique

Sur ses programmes figurent ainsi aujourd’hui les héroïnes iconiques du répertoire dramatique du XIXe et XXe siècle : Princesse de Bouillon (Adriana Lecouvreur), Dalila, Laura (La Gioconda), Polina (La Dame de Pique), Ulrica (Un Bal masqué), Fricka (La Walkyrie)… et une Carmen qui fait son effet. Des rôles qui correspondent à sa voix qu’elle décrit comme chaude, puissante et sombre. 

la chanteuse et sa tessiture se sont suivies : sur tous les terrains

Très attachée à l’incarnation des personnages depuis sa formation théâtrale, elle cite volontiers comme référence Maria Callas dont elle partage la volonté de révéler l’essence de chaque personnage, à la fois musicale par les nuances et les intonations de la voix mais aussi par un puissant jeu scénique. Elle dit à son propos : « Je pense qu’à ce jour personne n’a jamais chanté Vissi d’arte comme Callas l’a fait à Covent Garden en 1964. Une de ses phrases notoires est « Je suis une artiste, pas un ange ». Et c’est pourquoi elle pouvait chanter comme cela ! C’était une artiste dans tous les sens du terme. Elle comprenait très profondément ce qu’elle chantait. De nos jours, généralement les personnalités artistiques sont les metteurs en scène et non plus les chanteurs, bien que les deux ne devraient pas être amenés à s’exclurent mutuellement. Callas, Tito Gobbi – Visconti, Zeffirelli… Par bonheur, je peux aussi vous donner quelques exemples de mes artistes contemporains préférés tels que Ludovic Tézier, Marie-Nicole Lemieux, Ermonela Jaho, David McVicar ou encore Romeo Castellucci. »

Callas n’est pas un ange et pourtant… elle incarne Tosca qui finit par faire le saut de l’ange du haut du Château Saint-Ange

Lina Ferencz aimerait chanter de plus en plus du Wagner (Brangäne, Kundry), du Richard Strauss (Clytemnestre, La Nourrice), de l’opéra vériste et du Verdi. Le rôle qu’elle rêverait d’avoir l’opportunité de montrer sur scène est l’Amnéris de Verdi (Aida) dont elle se sent proche aujourd’hui « Aida c’était avant, maintenant c’est Amnéris. Il y a beaucoup de similitudes dans ces personnages. Les deux sont des princesses. Les deux sont amoureuses et elles s’inquiètent toutes les deux pour leurs patries. Leur condition est, cependant, bien sûr, très différente. »

tous terrains et polyglotte

En plus de l’opéra, elle s’intéresse aux mélodies et en particulier françaises dont elle propose un large panel (Viardot, Fauré, Duparc, Debussy, Poulenc, Satie…). Passionnée par Gustav Mahler et la dimension dramatique de ses œuvres, elle intégrera les Kindertotenlieder au programme de son prochain concert et espère vivement à l’avenir, interpréter quelque partie soliste de l’une de ses symphonies. Concernant la musique sacrée elle évoque vouloir chanter le Requiem de Verdi qui laisse également, malgré sa forme, une très belle place aux aspects dramatiques. 

Elle se produit et répète actuellement en Allemagne avec les chefs de chant de l’Opéra d’État de Bavière et fera de même en septembre avec l’Opéra de Francfort. 

Je vois, je vois… un enregistrement aussi étonnant que réussi

Si Lina Ferencz a aujourd’hui quitté les périodes baroques et classiques, on ne peut pas fermer cet article sans citer le premier et unique enregistrement intégral de Die Wahrheit der Natur (La Vérité de la nature) sur lequel elle apparait, édité par le label Classic Produktion Osnabrück (C.P.O.). Il s’agit d’un Singspiel méconnu de Johann Michael Haydn (frère cadet du plus fameux Joseph Haydn) dont le texte est écrit par le moine bénédictin Florian Reichssiegel qui aborde sur un ton humoristique le thème de la création artistique. Lina Ferencz y incarne Aglaia, personnification de la poésie. 

Je vois, je vois… une histoire d’amour : Lina Ferencz et la France

Lina Ferencz apparaît régulièrement en off ou en in de nombreux festivals et évènements français : citons entre autres le concert « les voix solidaires » du C.A.L.M.S. (Collectif des Artistes Lyrique et Musiciens pour la Solidarité) dans plusieurs opéras français, le Festival musique dans la rue à Aix-en-Provence, Opéra déconfiné en parallèle des Chorégies d’Orange 2022, La Rezurrezione d’Handel au Festival du Périgord Noir ou encore le festival « Les Flâneries d’Art contemporain » à Aix également. Ces concerts ont bénéficié d’un excellent succès au vu de leur taille et Lina Ferencz salue ces évènements qui permettent d’amener l’opéra au tout venant : « Il devrait toujours y avoir de l’opéra partout. […] C’est pourquoi il est merveilleux que le C.A.L.M.S. existe pour promouvoir l’opéra ainsi. Autant que je sache, une telle association existe SEULEMENT en France ! »

À Lire sur Ôlyrix : le compte-rendu de sa prestation dans le Périgord et dans le cadre du CALMS
la preuve par l’image et sur place

Elle nous confie être unie à un français et noue une relation particulière avec la ville d’Aix-en-Provence où elle a célébré son mariage et dont elle fréquentait des cours de perfectionnement au conservatoire Darius Milhaud. Elle réside d’ailleurs aujourd’hui en France près de la frontière Suisse avec Genève. « Je me sens chez moi en France. D’après mon expérience, le public y comprend et aime mon personnage et ma voix. Et pour moi la nature en France est la plus belle. Sainte Victoire et ses environs sont l’un de mes endroits préférés au monde » 

Je vois, je vois… Des projets en cours !

Lina Ferencz prépare actuellement un vivifiant programme de concert mêlant des morceaux de Zarzuela (genre espagnol pouvant s’apparenter à l’opéra-comique) aux mélodies humoristiques d’Erik Satie. Elle s’associe pour cela à des danseurs traditionnels espagnols (type flamenco) et contemporains.

Il faut dire en effet que son chant est dansant !

Elle cherche également un bon agent pour l’accompagner comme artiste émergente et lui ouvrir de nouvelles portes… S’ils nous lisent : la bouteille est lancée !

Image de Une © Zsofia Raffay

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