AccueilA la UneGstaad Menuhin Festival : Brahms sur le bout des doigts

Gstaad Menuhin Festival : Brahms sur le bout des doigts

FESTIVAL – Coutumier des concerts de gala et des performances de haut vol, le Gstaad Menuhin Festival & Academy connait une nouvelle soirée mémorable à l’occasion de la venue du violoniste Gil Shaham. Un virtuose qui connait son Brahms sur le bout des doigts, tout comme un jeune chef particulièrement épatant.

Brahmsody

Suffit-t-il donc de claquer des doigts pour vivre un moment de magie hors du temps, là, dans la fraîcheur des Alpes suisses ? Il faut se pincer pour y croire, en tout cas, tant le moment vécu est d’une revigorante intensité. C’est que le menu est très gourmand, et il n’est évidemment pas question de le consommer sur le pouce. Voici donc venir Johannes Brahms et deux de ses œuvres orchestrales comptant sans doute parmi les plus emblématiques : d’un côté, son Concerto pour violon, tellement technique qu’il avait été déclaré « injouable » à l’époque de sa création à la fin des années 1870 ; et de l’autre, la Symphonie n°1, longue à accoucher (elle fut écrite sur plus de quinze années) mais ayant donné naissance à un authentique morceau de bravoure dont on peut dire qu’il vient littéralement happer, dès ses premières mesures, l’âme et le cœur. Le public du festival est paré pour vivre une soirée dont il sent d’avance qu’elle ne pourra appeler, près de deux heures plus tard, qu’une salve de pouces en l’air. 

« T’as vu, ils font une soirée Brahms à Gstaad ! » Gil Shaham : « Mais c’est génial ! » © Raphael Faux

Accompagné par la prestigieuse phalange de l’Israël Philarmonic Orchestra, c’est donc Gil Shaham, célèbre violoniste israélo-américain, aux mimiques inimitables, qui est le premier à se mettre en lumière, accompagné de son violon qui se sait ici placé entre de bonnes et expertes mains. Dès les premières mesures du premier mouvement, un Allegro ma non troppo déjà magistral de sonorité, voici déjà que la beauté d’un Concerto d’exception en vient à centrer le monde tout entier sur un archet et quatre cordes soudainement rentrés en fusion après qu’un magma sonore déjà brûlant de passion a surgi de l’orchestre. Ainsi, après des tuttis de cordes fougueux, et après que les bois ont apporté un peu du calme qui vient avant la tempête, le violon du soliste en vient à prendre la main avec une majesté confondante, technique autant que sonore. Il y a là des tempi vifs, des nuances savamment dosées, un archet bondissant, et cette manière aussi de faire longuement sangloter l’instrument d’une manière que Verlaine n’aurait pas renié. 

Passion commune

Un genre d’éploration qui tient d’autant plus la corde dans l’Adagio : un oasis de fraîcheur et de solennité magnifié par ce soyeux thème du hautbois, rapidement repris par un violon soucieux de reprendre la main sur cette masterpiece dont il est censé être la vedette, tout de même. Ce qui saute aux yeux dans le dernier mouvement de feu et de passion, c’est l’échange musclé entre un soliste et un orchestre jouant à qui sonnera le plus fort et le plus fiévreux. À ce jeu, le virtuose du jour n’est pas le plus mauvais, parvenant sans mal (et presque sans forcer) à répondre du tac-au-tac à l’escouade d’instrumentistes allègrement envoyée à ses trousses. Pas ici de conflit, évidemment, mais une paix des braves. Une maestria partagée dans l’exécution d’une œuvre dont le défi est ici relevé haut la main par un Gil Shaham loin d’en être à son coup d’essai et qui, le visage habité par un large sourire, conclut avec de dernières acrobaties entre touche et chevalet une performance de haut vol. Le bis, Isolation Rag, une pièce écrite pour Gil Shaham par l’Américain Scott Wheeler durant la crise sanitaire, est un ravissement supplémentaire.  

Du bout des doigts, du bout du coeur

Mais ce premier pouce levé en signe d’admiration en appelle un autre déjà, alors que s’annonce la redoutable Première Symphonie de Brahms, œuvre souvent présentée comme la Dixième de Beethoven et dont le final, il est vrai, évoque largement l’entêtant Ode à la joie de la Neuvième de herr Ludwig. Mais il y a quatre mouvements avant cette apothéose, comme autant de chapitres musicaux d’une même histoire ici contée par un chef, Lahav Shani, à peine fatigué par la direction éprouvante du Concerto. Mieux : c’est par cœur, sans pupitre, comme habité par la partition, que le jeune maestro aborde l’œuvre, et sans aucune baguette en mains d’ailleurs.

Le chef connaît l’œuvre sur le bout des doigts, et tout alors ne semble que formalité dans la conduite des opérations, les instrumentistes n’ayant plus qu’à suivre des gestes précis, d’amples mouvements de bras et des regards qui, appuyés ou non, valent consignes en matière de nuances et de rythmes. Le public, alors obnubilé par cette direction épatante, n’a plus que se laisser prendre en mains, savourant une symphonie introduite par des timbales en furie laissant bientôt la place à des cordes apaisantes avant que les cuivres ne viennent rappeler que le tourment, en matière de romantisme, n’est jamais loin. Et ce conte qui pourrait être celui d’un amour troublé mais finalement vainqueur, de capter l’auditoire durant près d’une heure, oscillant entre tuttis ultra sonores et instants plus délicats, notamment lorsque la clarinette est convoquée dans le troisième mouvement, ou encore le cor dans un final triomphal dont on voudrait qu’il ne finisse jamais tant il se fait envoûtant et grisant. Un hymne à l’amour, à la nature, à la vie.

Lahav Shani : « Les amis, on a dit tout petit comme ça le pianissimo… » © Raphael Faux
À lire également : Gstaad Menuhin Festival, les masterchefs de demain

Une vie dont les battements de cœur sont ici rythmés par un chef semblant comme inépuisable, et dont la performance époustouflante est couronnée d’une chaude ovation de la part d’un public qui trouve avec une Pizzicato Polka des frères Strauss, l’occasion de retrouver un peu ses esprits. Une œuvre invitant à la danse et la joie, encore, qu’un orchestre formidable connait et joue aussi, littéralement, sur le bout des doigts.

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