DANSE – Mardi 19 septembre marque la première du programme “chorégraphe contemporain” à l’Opéra de Rome. Même si la saison va de novembre à novembre, il flotte un air de rentrée au Teatro Costanzi. Pour cette soirée, trois chorégraphes néoclassiques sont mis à l’honneur : Christopher Wheeldon, Goyo Montero et Krzysztof Pastor.
Chaleureuses retrouvailles à l’Opéra de Rome
Quelques minutes quasi seule dans cette salle construite en 1880 permet d’en apprécier la beauté. Puis le public arrive et c’est un premier spectacle qui commence. Les femmes sont vêtues d’élégantes robes et la plupart des hommes sont en costume. Beaucoup se reconnaissent et s’adressent des salutations. Eleonora Abbagnato et Benjamin Pech gardent un œil attentif sur ce petit monde. Malgré les quelques minutes de retard, l’habituelle annonce du début du spectacle, et une extinction des lumières de la salle progressive, beaucoup ne sont toujours pas installés. Finalement le spectacle commence avec un parterre un peu clairsemé.
Christopher Wheeldon, chorégraphe star de son époque
La première pièce est celle de Christopher Wheeldon : Within the golden hour. L’ancien danseur du Royal Ballet et du New York City Ballet devient chorégraphe au début des années 2000 au sein de la compagnie américaine. Depuis 2012 il est artiste associé du Royal Ballet, ce qui ne l’empêche pas de créer des pièces néoclassiques dans le monde entier.
Repenser la danse classique au XXIe siècle
Within the golden hour est créé en 2008 sur une partition d’Ezio Bosso et Vivaldi. Sans décor et sans trame narrative forte, la pièce se concentre sur l’esthétisme et la musicalité de la chorégraphie. Cette dernière mélange ingénieusement tradition classique et modernité.
Les danseuses sont sur pointes, les pirouettes s’enchaînent, les portés sont techniques et les grands jetés sont nombreux. Les danseurs sont très souvent en duo qui prennent parfois des tournures de valse ou de tango. Les passages au sol ne sont pas exclus mais restent toujours élégants, et si les pas reprennent la technique classique, leur arrangement offre un nouveau souffle à la discipline, avec l’introduction de canons et la création de nouveaux portés. La modernité réside aussi dans les changements de style et de tempo chorégraphiques dictés par la musique.
Les hommes ont aussi plus de matière à danser que dans les ballets classiques traditionnels. On retient notamment le duo masculin alternant entre des sauts très classiques (brisés, grands jetés, coupés) et des pas beaucoup plus contemporains lorsqu’ils se font face et semblent se chercher et se fuir en même temps.
Après une courte pause où seules les lumières des loges se rallument permettant encore d’admirer la beauté de la salle, place à l’œuvre de Goyo Montero : Chaconne créé en 2003 sur commande du ministère de la culture espagnol pour des danseurs espagnols mais résidant à l’étranger.
Goyo Montero
Le danseur espagnol s’est progressivement tourné vers la chorégraphie. Il a notamment dirigé et chorégraphié pour le Ballet de Nuremberg en Allemagne et depuis 2019 il est chorégraphe résident de la compagnie Acosta. Au prix de Lausanne, il assume des fonctions de coach, jury et chorégraphe des variations contemporaines.
Une proposition bien rodée
Sur les Chaconnes de Bach interprétées par trois musiciens sur scène, cette pièce pour 16 danseurs révèle la force du corps de ballet italien. Les jeux de lumières et de placements des danseurs offrent une belle scénographie.
De nombreux pas rappellent la chorégraphe canadienne Crystal Pite, notamment la ligne droite de danseurs effectuant des pas très esthétiques parfaitement synchronisés ou au contraire en rapide domino. Si tout peut sembler déjà vu, cela reste toujours aussi efficace et bien rodé, et la pièce permet aussi de découvrir le talent des danseurs italiens à faire corps.
La pièce interroge certainement le rapport homme-femme avec une course d’hommes au sol comme des animaux aux pieds des femmes puis des duos différents dans des carrés de lumière mais menant tous à une accolade.
Un nouveau boléro
Le Boléro de Krzysztof Pastor créé en 2012 clôture cette soirée. Ancien chorégraphe résident au Het Nationale Ballet, il est désormais directeur du ballet national de Pologne.
Si les costumes moulants et le fond de scène rouge rappellent le mythique Boléro de Béjart, celui-ci est bien différent. La pièce se concentre principalement sur un couple, dans un crescendo qui évoque attirance et séduction. Par moment, ce couple est reproduit à l’identique par des dizaines d’autres, ce qui donne le vertige. Le corps de ballet brille par son souci du détail et sa synchronisation.
La danse est académique dans les placements du corps, avec des danseuses sur pointes, par exemple. Les pas sont impressionnants et dévoilent la technique des interprètes sans la forcer, et de très beaux portés apparaissent, notamment ceux où la danseuse se retrouve avec la tête en bas !
Après des saluts qui peuvent sembler longs au vu de l’affaiblissement des applaudissements, le public retrouve le salon du président où se mêlent les habitués, les équipes de la compagnie et les danseurs pour un joli moment de convivialité.