CONCERT – Le Baltimore Symphony Orchestra célébrait ce week-end l’arrivée du chef Jonathon Heyward pour sa direction artistique. Le programme sur le thème de la danse annonce le ton de cinq futures années engagées, avec un moment central : un gala marqué par les « special guests » et la ferveur du public.
Faire de la musique un lieu politique et identitaire
Si Baltimore est un lieu particulier aux Etats-Unis, marqué par la ségrégation et les trafics en tout genre, mais aussi par son dynamisme artistique underground, le Baltimore Symphony Orchestra n’est pas en reste. Jonathon Heyward, nommé directeur artistique, succède en effet à Marin Alsop, première cheffe à un tel niveau, dont l’accès au poste de directrice artistique du BSO en 2007 avait marqué les esprits [voir le documentaire The Conductor, qui a inspiré le film Tar sorti cette année]. Et si Marin Alsop faisait en effet figure de symbole d’une discipline qui s’ouvrait aux femmes, Jonathon Heyward s’inscrit dans l’histoire en étant l’un des premiers chefs afro-américains à un tel niveau aux Etats-Unis, ce qui donne à la soirée des allures d’élection de Barack Obama, dans le monde musical.
Le programme du gala s’annonce donc comme évidemment engagé, avec la présence du Dance Theatre of Harlem, connu comme « la première troupe de ballet classique Noire», dirigé par Robert Garland, mais aussi par les choix artistiques du nouveau directeur artistique du BSO. Jonathan Heyward mêle en effet le répertoire classique de musique de ballet, avec de jolis jeux sur le canon (La Danse Hongroise de Brahms par exemple), aux pièces de Florence Price, l’une des premières compositrices afro-américaines, ou d’Adolphus Hailstork, lui aussi aux origines notamment afro-américaines. Tout l’intérêt du programme est ici le mélange des styles, fait tout en finesse. Le Dance Theatre of Harlem danse ainsi sur le Concerto pour Violon n°1 de Bach, dans une pièce que Heyward qualifie de « urban neo contemporanean », entre Balanchine et déhanchés typiques de l’esthétique du Dance Theatre.
Une histoire de vision
Jonathan Heyward ne perd cependant pas ses objectifs musicaux de vue. Le jeune chef, qui s’est illustré dans sa démarche sociale (chef du Baltimore Symphony Youth Orchestra pendant un moment), montre cependant aussi une véritable volonté artistique. Il manie en effet les différents volumes sur scène avec une aisance surprenante, alors que danseurs, solistes (Runa Matsushita au violon pour le concerto de Bach), enfants ou sponsors se succèdent sur scène.
À lire également : Kellen Gray, « Nous concevons les fondements de notre art sur une histoire incomplète »
Le chef annonce aussi une délicate vision musicale, bien en rupture du style d’Alsop mais définitivement assurée, alors que l’orchestre, conquis, semble pris dans l’atmosphère toute particulière d’une direction fine mais intense. Le public mondain de la scène artistique et politique de Baltimore regarde alors avec admiration le danseur étoile du jour, Jonathon Heyward.