RECITAL – La pianiste franco-géorgienne offre un récital tempétueux et tendre, passionnément romantique, à la Philharmonie de Paris.
La Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris était comble, le public envahissant même la scène, pour le récital de la pianiste franco-géorgienne Khatia Buniatishvili. Cette artiste, médiatisée avec un glamour indéniable, sait attirer les foules tout en restant modérée, au service d’un programme romantique et virtuose : Bach, Beethoven, Chopin et Liszt.
Un touché subtil
Le public, en état de quasi-religiosité, est suspendu aux doigts légers de la pianiste lors des moments les plus délicats, dévoilant des nuances d’une infinie tendresse. Les caresses de ses mains sur les touches sont comme des caresses pour ses oreilles, dans une grande intimité musicale. Penchée sur son clavier, les cheveux tombant devant ses yeux fermés, elle joue de mémoire des mélodies qui s’épanouissent dans la grande salle, comme un secret partagé en douceur. La transcription par Liszt du Prélude et fugue BWV 543 de Bach dévoile un charme envoûtant, presque troublant en comparaison avec la rigueur architecturale de l’œuvre originale pour orgue. L’Adagio de la Sonate pour piano n°17 de Beethoven, avec son aspect choral, bénéficie également de cette douceur envoûtante.
Une interprétation sensuelle
L’aspect sensuel de sa performance se mêle au spectacle, avec des mouvements de tête gracieux lors de puissants accords, replaçant sa chevelure pour le plus grand plaisir des âmes sensibles. L’agilité tourbillonnante de Khatia Buniatishvili impressionne par sa rapidité, ses mains parcourant le clavier avec une aisance et une fluidité impressionnantes. Cependant, au-delà de ces prouesses spectaculaires, qui ravissent certains comme elles peuvent en lasser d’autres, les sonates de Beethoven ainsi que la fugue de la BWV 543 souffrent parfois d’une polyphonie un peu uniforme. Les couleurs, bien que contrastées avec subtilité, semblent se concentrer sur une partie à la fois, créant parfois d’agréables surprises mais ne capturant pas toujours la complexité du contrepoint. À certains moments, la pédale, utilisée pour produire un son puissant, menace de de la noyade le riche discours de ces œuvres.
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Le Charme de Chopin
Les œuvres de Chopin bénéficient du charme de cette interprétation, à la fois virtuose et délicate. Après une fière Polonaise n°6 « Héroïque », la conclusion suspensive de la Mazurka en la mineur est tout simplement superbe. Pour clore le récital, la Rhapsodie hongroise n°2 de Liszt dans la version de Vladimir Horowitz semble avoir été écrite spécialement pour Khatia Buniatishvili : un spectacle parfait, mêlant virtuosité et espièglerie. Devant un public chaleureux et profondément séduit, certains se levant même pour manifester leur émotion, la pianiste offre en bis une version jazzy et passionnée de « La Javanaise » de Serge Gainsbourg. La pianiste embrasse son public touché par cette tempête de passion, ce phénomène glamour et indéniablement romantique.